Une relation de merde comme je n’en ai jamais eu.

C’était un enfer. Chaque jour. Jusqu’au moment où j’ai pu dire :

« Stop. C’est fini. On n’est plus ensemble. »

Mais c’est là que le véritable enfer a commencé.

                Je ne pensais pas que ça pouvait être pire, mais chaque instant m’a montré que l’enfer est un trou bien plus profond que je ne le pensais. Un trou qui pouvait grandir indéfiniment. Je tombais dans ce trou à chaque fois un peu plus. Je n’avais rien pour m’agripper, pour m’aider à remonter. À chaque moment de lumière, la noirceur revenait, plus forte.

                Après plusieurs semaines de séparation, il a dit qu’il venait enfin chercher ses affaires. Il est entré dans l’appartement, il a attrapé mon ordinateur et a voulu le balancer par la fenêtre. Je me jette à ses pieds pour le supplier de ne pas le faire. Je ne veux pas qu’il le jette. Merde, ça coûte cher et je ne veux pas qu’il ait le contrôle de mes affaires, qu’il en fasse ce qu’il veut selon son bon vouloir, sans me demander mon avis.  Merde, je suis à genoux, je le supplie. C’est lui qui décide. C’est lui qui m’humilie.

                Il est violent. Il m’insulte. Je le mets dehors en lui disant que je vais mettre ses affaires sur le palier pour qu’il les récupère. Ça ne lui va pas. Il donne des coups de pieds dans la porte. Tellement fort qu’elle cède, que le verrou se casse. Il entre à nouveau, prend mes affaires et les balance contre les murs. Mes livres, mes objets, mes cours. Je le pousse encore, je le remets dehors. Il prend ses affaires qui sont sur le palier et les jette dans l’escalier.

Il s’en va enfin. Je ramasse tout.

Ma porte est cassée. Ses affaires resteront des mois.

                Le soir il entre souvent dans l’immeuble. Il monte jusqu’à mon étage, il sonne. Il frappe à la porte. Il m’appelle sur mon téléphone. Il crie mon prénom. Il s’assoit et fume une clope. Il re-sonne pendant longtemps, en laissant son doigt sur la sonnette. Il essaye d’ouvrir la porte. J’ai éteint les lumières. Je reste dans le noir à attendre qu’il parte. Je voudrais ne pas être là mais j’ai peur qu’il recasse ma porte. J’ai peur d’arriver et de voir mon appartement dévasté. J’ai peur que les voisin-e-s l’entendent, qu’illes ouvrent leurs portes. J’ai honte, je ne veux pas qu’illes sachent.

                Un an après. Mouvement des retraites à la fac. Il est là. Personne ne remarque ce qu’il fait. Personne ne remarque qu’il me regarde, qu’il vient parler avec chaque personne avec qui je discute, qu’il parle à tou-te-s mes ami-e-s, qu’il s’assoit toujours à la table derrière moi, qu’il me suit quand je change de bâtiment, qu’il est à toutes les réunions où je vais, qu’il joue avec un couteau en me regardant dans les yeux. Une fois il vient même me demander de l’argent, lui qui volait les pièces de monnaie et le shit que je mettais dans ma table de nuit.

Je pleure souvent. Je veux crier. Je veux que ça s’arrête.

Je ne dis rien, je ne peux pas. Je fais comme si de rien n’était.

                J’ai peur. Une peur froide et sourde qui ne s’en va jamais. Elle est entrée dans ma tête et dans mon corps et calcule tous mes mouvements. Dans chaque bar, dans chaque lieu militant, dès que la porte s’ouvre je regarde la personne qui entre. J’ai toujours le ventre qui se noue de peur que ce soit lui. À chaque manif, à chaque rassemblement, je me retourne pour vérifier qu’il n’est pas derrière moi. À chaque appel sur mon portable, j’ai peur que ce soit lui.

Cette peur me contrôle. Ça fait plus de trois ans et je regarde toujours la porte.

 

Loulou

 

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enfer

 

Illustration : toto du dessin.