J’ai eu un viol doux. Mon copain. Ma première relation. Un viol. J’avais dit “non”, il n’a pas écouté. La policière à dit que c’était bien un viol. Le psychiatre aussi.
Je suis cassée. Je ne sais pas comment me réparer. Je ne sais pas si c’est possible. Personne n’écrit sur ces réparations. Personne ne dit ; “on s’en remet”.
On dit qu’on se fait violer. On ne dit pas l’après. On ne dit pas la douleur. On ne dit pas le lendemain, les année qui suivent, à regarder les proches et sourire comme si de rien. Mentir.
On ne dit pas qu’on met des années à comprendre que l’amour n’implique pas la violence, jamais.
Personne ne m’avait dit que j’avais le droit de dire non. Personne ne m’avait dit que j’avais le droit de dire non sans hurler. Personne ne m’avait dit que je pouvais vivre, sourire, tomber amoureuse encore, tout en étant marquée à vif.
Fer rouge. Invisible.
Personne ne m’avait précisé que le viol c’est l’acte et l’après.
Personne ne m’a jamais dit : “tu iras mieux. Tu ne feras plus de cauchemar. Tu ne seras plus angoissée quand un inconnu t’effleurera dans le métro.” Je ne sais pas si c’est possible.
Je ne sais même pas s’il est possible d’apprendre à aimer en me détachant de la féroce certitude que l’amour est mortifère et que cet homme face à moi cherchera à me détruire.
Personne ne peut me rassurer. Je ne sais pas si un jour viendra sans y penser, du tout.
Pendant huit ans j’ai cru qu’être aimée signifiait pour moi me comporter en serpillère. Tout, tout brader plutôt qu’on me heurte à nouveau. Tout accepter plutôt que d’être détruite à nouveau. Tout digérer plutôt que de dire J’existe.
Personne ne saurait me dire si les larmes reviendront un jour, moins amères, pour des peines moins acides.
Mon corps mon cœur mon âme passés à l’acide voilà des années. Comment les réparer.
Pas de mode d’emploi. On ne me propose qu’une fuite en avant, de colère ou de détresse. Tout me détruit. Petit feu. Destruction assurée néanmoins.
Un jour peut-être je serais capable de dire Je sans penser Mort.

Stéphanie

Illu APPRENDRE A EXISTER - BD

Illustration par Morgane