Orgasme orgasme orgaaaasme !
À quoi pensez-vous quand on vous dit orgasme ?
En premier, je pense aux livres de Bernard Simonay que je lisais quand j’étais petite – sans doute vers 10/12 ans –, où quand l’héroïne avait sa première fois avec le héros, elle était « parcourue de sensations inconnues », avant d’être « traversée par une lame de feu » quand elle était pénétrée.
À l’époque, je ne crois pas que je connaissais les mots « orgasme » et « masturbation ». J’ai appris ce dernier au collège, en sixième après que j’ai fini par demander à une camarade ce que voulais dire « partouze » (y a pas idée aussi faut dire, que de déclarer à douze ans qu’on allait faire une partouze dès qu’un-e prof se révélait être absent). Ses copines et elle se sont donc amusées à m’expliquer les mots masturbation, partouze, fellation, rouler une pelle, faire un 69, et sans doute d’autres, mais pas orgasme. Orgasme, j’ai su ça plus tard, je ne sais plus à quelle occasion exactement, de toutes façons, il fait partie des mots dont j’ai connu l’existence avant d’en saisir le sens exact. Leur définition de la masturbation était d’ailleurs inexacte, je ne me souviens plus de leurs mots, mais l’idée, c’était que selon elles, cela ne concernait que les garçons. Il m’aura fallu un ou deux ans pour comprendre que moi aussi, je me masturbais.
Ma conclusion d’alors, quand je lisais ces livres, ces livres dont je parlais au début, c’est que on ne pouvait jamais ressentir autant de plaisir seul que quand on était deux. Sinon, les nanas elles auraient pas eu des « sensations inconnues ». Logique quoi.
Quand j’ai fait ma première fois, j’ai bien eu des sensations inconnues, mais c’était avant tout parce que je ne savais pas que je pouvais avoir mal là (et j’avouerais que j’ai toujours pas compris comment je pouvais mettre jusqu’à trois tampax sans problème dans mon vagin, mais une bite, non). Depuis je me suis rendue compte de mon asexualité, alors je me suis fait une raison : le « à deux c’est mieux », c’est du pipeau, du moins pour moi en tout cas.
La deuxième chose à laquelle je pense, c’est cette notion « j’ai fermé les yeux et j’ai vu les étoiles ». Je ferme les yeux à chaque fois, mais pas la moindre constellation. Hum, je suppose que c’est une question d’interprétation…
La troisième chose à laquelle je pense, c’est toutes ces personnes qui s’extasient sur l’orgasme, genre c’est la meilleure chose de la journée, tout le monde devraient se masturber tout le temps, etc. Et après je pense au témoignage d’une jeune femme atteinte d’une mycose vaginale lu (le témoignage, pas la mycose) il y a bien quatre ans, où elle disait que c’était la première fois depuis sa puberté qu’elle se sentait dépourvue d’excitation sexuelle. Ça m’a beaucoup impressionnée. Moi je me sens dépourvue de cette sensation, quoi, 28 jours par mois ? Bon d’accord j’exagère, c’est sans doute moins. Je n’ai jamais compté ni fait de moyenne. Il y a des jours avec et des jours sans, sachant que les jours avec, ce sera du ponctuel et jamais du h24. Les jours sans, je me sens calme et reposée dans mon corps, et je me surprends à souhaiter ne plus jamais ressentir de cette fichue excitation qui m’agace et me frustre, tellement je me sens tranquille ainsi. Les jours avec, j’ai envie de me toucher, j’ai envie d’investir dans un de ces godemichets, je maudis la société qui m’empêche de me tripoter comme je le veux, où je le veux. Du coup, je me retiens, ça me frustre et ça m’agace et ce d’autant plus que le temps de retrouver l’intimité de mon chez moi, ce n’est plus « l’heure », je n’ai plus envie de ça.
Je ne sais pas comment ça se passe chez les gens normaux, enfin chez les gens sexuel-le-s avec une libido au top, quoi. En ce qui me concerne, j’ai l’impression d’avoir un interrupteur entre les jambes, un interrupteur qui s’allume et qui s’éteint tout seul, comme ça, sans que je lui demande rien. Les pornos, si je ne suis pas excitée d’avance, ça ne va rien me faire. Pareil pour tout ce qui est érotique. Encore que non, parfois que je pense à des choses érotiques, je deviens chaude. Mais parfois je reste froide et c’est le cas le plus fréquent. Mais parfois je ne pense à rien de spécial ou je ne regarde rien de spécial et pouf ! Ça s’allume et je ne comprends pas pourquoi. S’il y a quelque chose à comprendre. Bien sûr.
Je peux pas me masturber quand je me sens froide, non seulement je n’en ai pas envie, mais en plus je ressens rien, ça m’agace, je m’arrête au bout de deux minutes (le plaisir, faut que ça vienne vite, sinon je m’impatiente et j’arrête, je ne suis pas patiente avec ces choses-là).
Au final, je dois me donner deux ou trois orgasmes par mois. Sans doute plus ou moins, selon les mois ou les périodes.
Et je m’en porte bien.
A.

Dessin au feutre : perchée sur un énorme croissant de lune à l’horizontale, une femme blanche aux longs cheveux, avec une couronne sur la tête ayant pour seul motif un œil ouvert, et portant un kimono bleu avec des serpents, ouvert à la poitrine, tient dans sa main droite à hauteur d’yeux une petite étoile qu’elle regarde perplexe. Derrière elle son ombre noire beaucoup plus grande fait arriver l’étoile au niveau de la pointe du croissant.
Illustration par N.O.