Au début j’ai pas réalisé. Pas saisi qu’il s’était passé un truc moche. Un soir de juin, plein de monde dans les rues, c’est la fête. J’ai les pieds douloureux car je viens de les faire tatouer. Ils me piquent, les chaussures me brûlent un peu, je préfère marcher sans. Dans la fête il y a de l’alcool, je consomme plus qu’à mon tour, j’ai quelques chagrins à noyer, quelques envies de trouver le sommeil dans les vapeurs de bière, de vin, de ce qui passe. Il est encore tôt.

Soudain, il est bien plus tard. Il fait nuit noir, on est éloigné de la foule, de l’autre côté de la rivière, je parle avec trois inconnus. Ils me demandent si ça va, si je sais ce que je suis en train de faire, me disent que je suis blessée au menton. Ah bon ? Ah oui. Ah ouais merde, je pisse le sang. Il paraît même que ça fait plusieurs heures que je suis dans cet état. J’étais arrivée vers eux comme une furie, je crois en fait qu’ils m’ont permis de reconnecter. Quelle heure est-il ? 3h. 5h se sont écoulées depuis mes derniers souvenirs. Je check mon portable. Oups. Je suis où ? Ah oui, de l’autre coté de la rivière. Putain qu’est ce que je faisais ? Ah… ah. Hum, haha, rions-en. Après tout, je baisais dans la rue avec R., pas loin d’un comico. C’est plutôt marrant nan?
Subversif nan ?

Je mange un bout avec ce type, R. On se connaît un peu, c’est un pote de mon ex. Donc on a passé une bonne partie de la soirée ensemble. Donc on a baisé ensemble, comme ça, parce que c’était la fête, parce qu’on était saouls, parce qu’on était dehors. Je retrouve mes potes, essaye de retrouver quelques souvenirs. Il a plu ? Je vous ai appelé⋅e⋅s ? Et jsuis pas venue à nos rdv ? Oups. J’ai merdé sur toute la ligne. Et y a ce black out. Je ne sais plus rien. Mon menton pisse le sang à cause d’une chute. Aucun souvenir. J’ai baisé avec un type et… et c’est pas très clair. Mais bon, rions-en !

Quelques jours plus tard, je recroise R. Je lui demande ce qu’il s’est passé. Il reste flou. Je peux vaguement retranscrire mon parcours ce soir là. Des bribes me reviennent. Ce moment où on marche tou⋅te⋅s les deux. Où il me dit que je suis jolie, que mes lèvres lui font envie, qu’il a envie de me croquer. Moi qui ris doucement, qui dis nan merci, pas intéressée, j’ai le coeur blessé et pas envie de sexe. Lui qui me dit comme je suis désirable, comme je suis mignonne, lui qui me déverse des litres de charme, de blabla, de je ne sais même pas quoi pour arriver à ses fins. Moi qui dit nan, c’est bon. Et puis à un moment, plus la force de dire nan. Tu titilles, tu titilles, tu titilles, tu appuies sur mes barrières, un peu, beaucoup, énormément, elles finissent par se briser. Je finis par dire oui par dépit, parce que j’ai plus la force, plus d’arguments qui viennent, je suis fatiguée, je suis saoule, je sais même pas où je suis, qu’est ce qu’il vient me faire chier lui ? Je croyais qu’il était un peu mon pote aussi. En fait il veut juste niquer… Bah vas-y. Prends, j’ai plus la force de lutter contre toi, j’ai plus la force de dire non, de toutes façons, tu m’entends même pas.

Il faut que ça aille vite, que je m’en débarrasse au plus vite. Et puis sans doute, il faut que je pose pas certains mots dessus. Alors j’en ris. Ces trois mecs sont arrivés et mes neurones se sont entrechoqués. Fini le “sexe”, il faut manger, retrouver mes potes. Tiens, est-ce que je me dis que je suis pas en sécurité ?

Un an loin de cette ville, c’est sans doute ce qu’il m’a fallu pour réaliser. On se croise. R. me parle. Comme avant. Et là, mes entrailles se tordent. Je ne veux plus. Je ne veux plus le voir, je ne veux plus qu’il me parle, je ne veux plus penser. À lui, à cette histoire, à cet accroc. Il me donne envie de crier, de vomir, de hurler, je ne veux pas qu’il existe proche de moi.

Quels mots je peux poser là dessus ? J’étais saoule, j’ai fini par dire oui.

Et puis je me suis souvenue. Il y a 2 ans, on se croise. Il y a des amis communs. Un cercle de mecs, je dis bonjour, je fais le tour, je ne l’ai pas vu. Il apparaît, ça me pétrifie. Il se penche, je suis au milieu du cercle, au centre de cette putain d’attention, je ne veux pas faire de vague. Il se penche, il dit “c’est bon non, de l’eau a passé sous les ponts”, il me fait la bise. J’ai honte. Maintenant, je suis en colère. Maintenant, je lui dirai. Que coucher par dépit, pour se débarrasser d’un type, parce que nos “non” ne sont pas entendus, ce n’est pas bien, ça n’a rien de plaisant. C’est un putain d’abus. Je ne fermerai plus les yeux sur mon corps comme s’il n’était pas important, comme s’il n’était pas vraiment moi, comme si ce qui le touchait n’était pas vraiment grave. Je ne veux plus dire oui par dépit quand je veux dire non. Même si je n’en ai plus la force, même si j’ai peur, même si ça doit durer des heures, même s’il faut en venir aux mains, aux pieds. Je ne veux plus m’abandonner.

 

Zebra

black-out

<empowerment> 2013! pyon!