J’avais 20 ans et j’allais à Paris.

            Un soir je suis chez un de mes meilleurs potes. Le genre de type que tout le monde trouve gentil, adorable, marrant, doux, qui ne ferait pas de mal à une mouche, qui est attentionné, qui est ton ami depuis des années, en qui tu as toute confiance, à qui tu confies tes malheurs. On rigole, on regarde des vidéos, on fume quelques joints dans son appart et on va dormir dans son lit.

            Je me suis réveillée parce qu’il frottait sa bite contre moi. Il avait baissé mon pantalon de pyjama et ma culotte. Il avait plaqué sa main contre mon ventre pour me maintenir contre lui. Il a continué son va-et-vient et a glissé sa main entre mes jambes pour atteindre mon vagin.

            J’ai pris sa main pour la repousser. Il a recommencé.

            J’ai pris sa main pour la repousser encore. Il a recommencé.

            J’ai pris sa main pour la repousser encore. Il a recommencé.

            J’ai pris sa main pour la repousser encore. Il a arrêté.

            Je n’ai même pas dit non, je n’ai même pas prononcé ce mot. Mais merde, il a fallu quatre fois pour que sa putain de main arrête. Pour que sa putain de bite arrête de se frotter contre moi. S’il avait continué encore, combien de fois il aurait fallu que je la repousse sa main ?

            C’était pas clair que je ne voulais pas ? C’est pas clair qu’une fille qui dort ne va pas se réveiller en disant : « Super ! Une bite contre mes fesses, allez c’est parti pour la baise du siècle ! » C’est pas clair quand je le repousse ? Il fallait quoi, que je me retourne, que je lui casse les dents pour qu’il comprenne ?

            Je suis restée longtemps pétrifiée dans ce lit, couchée à côté de lui. Je ne pouvais pas bouger, ni faire un mouvement ou lever un muscle. J’ai attendu jusqu’à ce que je voie la lumière du jour commencer à apparaître derrière les volets. J’ai pu tendre la main jusqu’à mon portable. Il était 5h30 du matin.

            J’ai eu peur qu’il se réveille ou qu’il soit déjà réveillé. J’ai eu peur qu’il me parle, qu’il m’engueule, qu’il fasse comme si de rien n’était ou qu’il veuille discuter de ce qu’il s’était passé. J’ai eu peur qu’il bouge. Je sais qu’il est là mais je ne veux pas avoir à toucher son corps, je ne veux pas qu’il frôle le mien.

            Ca y est, j’arrive enfin à bouger. Je me lève d’un coup et j’attrape mes fringues. Je cours dans la salle de bain. Je m’habille, je me rince la bouche. Je ne veux pas me regarder dans un miroir. Je m’assois sur le bord de la baignoire. Il va falloir y retourner pour chercher mes affaires et me barrer de cet endroit. Je respire un grand coup. Je rentre dans la chambre, je jette mes affaires dans mon sac.

                   « Tu t’en vas ? », qu’il me demande ….

                   « Ouais, je me casse ! »

            On a échangé deux phrases et je suis dans la rue. Il est 6h30. Je cours, je prends le métro.

            Après ça, un « pote » m’a dit « c’est moche, il a abusé, mais bon, tu savais qu’il te kiffait, non ? ». Et alors ? Depuis quand vouloir baiser une personne dans son sommeil c’est un signe d’amour ? Parce que soi-disant il avait des sentiments et donc j’aurais dû ne pas être étonnée, presque j’aurais dû m’attendre à ce que ça se produise, j’aurais dû trouver ça normal quoi !

            Mais c’est vrai, quand une fille dit non, le garçon il a encore plus envie, alors il en peut plus, du coup c’est normal qu’il essaye par tous les moyens de se satisfaire. Et puis la fille, ben, c’est un peu normal qu’elle dise rien. Déjà il y a un beau mec qui s’intéresse à elle. C’est vraiment trop gentil de sa part. Alors les filles, on va surtout pas leur apprendre à dire non et puis même si elles disent non, on va les faire culpabiliser. Puis surtout on va leur apprendre à rester seules, histoire qu’elles ne  recommencent pas à dire non…

 

            Myla

 

cest-moche

 

< parler, témoigner > 2013, !pyon!