Témoigner, encore saoule de la cuite que je me suis mise, seule, dans ma chambre, comme (trop) souvent.

Témoigner de mon humeur qui va du désespoir le plus profond à l’euphorie la plus stimulante.

Je vois des psys depuis que j’ai 7 ans. Pour des angoisses présentes depuis toujours. Je pense que les premiers signes dépressifs sont apparus au collège, puis un peu plus tard les premiers signes de bipolarité.
Vers mes 18 ans, le trouble bipolaire s’est véritablement déclaré. Passer des mois dans un état d’exaltation hyper productif, puis des mois prostrée, obsédée par le suicide.

Comment dire ? Cette impression que je suis trois personnes : le moi « normal », le moi déprimé, le moi euphorique ?

L’euphorie (ou hypomanie dans mon cas) ça n’est pas forcément agréable, productif, valorisé socialement. Ça peut être plusieurs semaines à se gaver d’alcool, de tabac, parfois de drogue, à ne pas tenir en place, avec cette impression qu’il n’y a plus de futur, que rien n’a de conséquences, que tout va trop vite aussi, y compris soi-même. J’ai foutu en l’air une année universitaire comme ça (étant donné que j’étais trop à l’ouest pour me pointer à mes partiels).

En dépression, il y a cette hargne à s’autodétruire, qui me fait adopter les mêmes comportements délétères qu’en hypomanie, l’énergie en moins. Les scarifications en plus.

Et ma libido. Passer d’une période où je couche tout le temps (parfois sans protection) à une période où je n’ai plus aucun désir, y compris sexuel.

En ce moment, c’est à chaque jour (voire à chaque heure !) son humeur. Un jour dépressive, un jour hypomane, un jour normal. C’est épuisant pour moi et pour ma copine qui subit mes extrêmes variations d’humeurs, qui me rendent parfois distante, parfois très affectueuse, parfois irritable…

Cette maladie est une plaie. On l’associe souvent à la créativité, au génie. Je pense que c’est une erreur. Je serais beaucoup plus créative si je n’avais pas à faire des efforts constants (et vains le plus souvent) pour dompter ce qui, en moi, veut m’anéantir en dépression, ou partir dans tous les sens en hypomanie.

Je garde tout de même l’espoir d’atteindre un jour la stabilité.

A.L.

Aquarelle : trois visages d’une même personne au crâne rasé dont les bras se tiennent mutuellement. Les trois têtes se superposent, l’une est verte, l’autre violette et la dernière est bleue.

Illustration par ZooChora
@zoochora