J’ai eu mes premières règles l’année de mes 13 ans. Je savais ce que c’était, je n’ai pas vraiment paniqué, si ce n’est ce bête sentiment que tout le monde savait, voyait, devinait que je saignais dans ma culotte et sur la gigantesque serviette hygiénique dépannée par l’infirmière du collège.
Rapidement, j’ai découvert que des douleurs atroces accompagnaient les pertes de sang. « C’est normal. » Après plusieurs cycles insupportables et de multiples torsions sur moi-même dans mon lit, ma mère m’emmène chez une gynéco. Je suis vierge, tout me parait très étrange. J’ai peur qu’elle remarque que j’explore mon corps et me masturbe. Rien de la sorte, bon. Ouf. Par contre on m’apprend que j’ai un utérus rétroversé, ce qui expliquerait cette sensation qu’une tronçonneuse me caresse délicatement le bas du ventre trois jours par mois.
La dame me prescrit des médicaments. Un demi comprimé quand j’ai mal, l’autre moitié une demi-heure plus tard si ça persiste. Obligée d’en prendre un entier d’un coup, sinon ça ne sert à rien. Voire un deuxième entier une demi-heure plus tard. Je ne suis pas encore tout à fait réglée, mais surtout je me fous complètement de mes cycles, alors je ne surveille pas. Je ne m’attendais pas à perdre connaissance de douleur, un matin chez une amie où je devais passer le week-end en l’absence de mes parents. Retour chez la gynéco, qui me prescrit cette fois-ci une pilule, Miniphase, si je me souviens bien. On m’explique comment la prendre et, effectivement, les douleurs sont moins intenses aux prochaines règles. Je remarque aussi que tout est plus régulier, et que je saigne moins. À la bonne heure.
On doit être quelque part entre 1999 et 2000, je ne sais pas ce qu’il y avait comme alternatives à l’époque mais je pense qu’au-delà du stérilet et de la pilule, pas grand chose à l’horizon. En tout cas, personne ne m’a proposé quoi que ce soit d’autre. Le stérilet ne m’aurait servi à rien, soit dit en passant, puisque ce sont les hormones qui régulent mes saignements et mes douleurs. De toutes manières quand on voit à quel point les gynécos peuvent rechigner à poser un stérilet à une femme avant son premier enfant, je n’imagine pas que c’eût pu être une option pour la gamine de 14 ans que j’étais.
Je passe quelques années avec ma pilule sans développer ces symptômes dont tout le monde me parlait : mal aux seins, humeur changeante, gonflement du corps en général, acné…
Et puis on m’informe un jour que prendre la pilule de manière un peu anarchique comme je le fais est mauvais pour mon corps. Ah. Là c’est un problème, parce que j’ai un truc avec la prise de médicaments et les rythmes imposés, ça ne marche pas, et il m’arrivait souvent d’oublier de la prendre. Il m’arrivait même de l’avaler en boite de nuit avec une vodka-pomme ou d’en prendre deux d’un coup. J’ai eu beaucoup de chance de ne jamais tomber enceinte, je suis clairement beaucoup moins fertile que la plupart de mes amies (et heureusement, puisque je ne veux pas d’enfants, mais ça, c’est un autre sujet). Mais le risque me suivait comme une épée de Damoclès. J’ai changé de pilule à un moment, je ne me souviens plus pourquoi, mais la prise ne me convenait toujours pas et j’ai fini par en parler à ma nouvelle gynéco, recommandée par ma marraine après un déménagement. Ni une ni deux, Dr T. me propose l’anneau contraceptif (troisième génération) : un anneau en plastique rigide de la taille d’un élastique à cheveux que l’on insère dans le vagin et qui y diffuse des hormones pendant trois semaines. On peut le retirer pendant les rapports si ça gêne l’un-e des deux partenaires, mais on peut aussi très bien le laisser – ça ne change rien pour la personne qui le porte, par contre ça peut déranger le ou la partenaire, qui ont souvent peur de faire mal ou qui sont étonné-e-s de sentir quelque chose à cet endroit-là (normalement il est calé à un endroit mais le corps humain vit et du coup il arrive que l’anneau fasse un peu sa vie et se déplace).
L’anneau m’a suivie pendant plusieurs années, son seul inconvénient étant son prix (environ 15€ la boite d’un anneau, non remboursé). Et puis, il y a un an, j’ai commencé à remarquer des changements… soudain, des poussées de boutons, les seins douloureux et les sautes d’humeur ont commencé à faire leur entrée. J’ai attendu un petit temps pour m’en assurer mais à 29 ans on connaît son corps, et j’ai repris rendez-vous avec Dr T. pour voir comment on pourrait régler le problème.
Dans les options existantes, il me reste alors le stérilet (avec ou sans diffusion d’hormones) et l’implant. J’opte pour l’implant. On le garde trois ans, il diffuse des hormones en continu et c’est remboursé par la sécu.
J’ai donc mon implant depuis environ cinq mois, je n’ai qu’un bilan à court-terme pour le moment : les symptômes pré-menstruels que je ne connaissais pas avant que l’anneau déconne ont disparu, mes règles sont complètement aléatoires (plusieurs mois sans rien, puis la nuit de l’horreur pendant 48h), je me sens plus tranquille parce que je n’ai pas besoin de me demander si j’ai bien acheté l’anneau pour le prochain cycle, je trouve un peu bizarre le principe d’avoir une tige de cinq centimètres dans le bras et de la sentir mais j’espère m’y habituer (ça va déjà mieux, le premier soir j’ai tourné de l’œil), et, surtout, je n’ai pas eu de bébé. Champagne !
M.

Dessin numérique d’un gros embryon rose barré par le symbole d’un sens interdit en rose plus foncé. Par-dessus et autour, une pilule, un anneau contraceptif et un implant, qui sourient et ont de petites joues roses, ainsi qu’une goutte de sang, une horloge sans chiffres autour de laquelle il est écrit “tic tac”, un billet vert avec le symbole de l’euro qui porte des ailes et deux chaînes de molécules qu’on suppose correspondre à des hormones.
Illustration par Astrid
