L’immense vertige de se voir démasquée : aucune protection pour survivre, juste sa peau, ses jambes et sa vitesse. Pourrait-on être plus soi qu’allongée sur le sol gelé de sa salle de bain, démaquillée, presque nue, attendant le prochain train ? Le masque effrité c’est surtout l’impossibilité de communiquer avec l’extérieur : comment parler du faux soi quand on porte la vérité en bandoulière ? Comment se taire quand tout le visage respire la parole refoulée ? Comment aller vers l’autre quand on est inondé de soi ?

Le vertige aussi (surtout ?) de ne voir personne s’arrêter et demander comment réparer les blessures : le masque, tellement invisible, une fois tombé ne se laisse pas deviner. Un doux parfum de : tout le monde s’en tape. Doublé d’une couleur nouvelle : pourquoi se préoccuper du regard de ceux qui se sont laissé berner par un masque de fortune ?

Regarder en arrière la montagne déjà escaladée : le grain de sable. Parce qu’il est surmonté, il semble plus petit que le plus infime. Et pourtant, comme elle a failli tomber mille fois. Et pourtant : comme elle est morte souvent. Et pourtant : encore debout, devant ce piteux grain de sable, prête à forger le prochain masque. — En attendant : laisser entendre ce que chacun souhaite, attendre chez elle la paix.

Stéphanie

Illu - DEMASQUEE BD

Illustration par Ken
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