“- Être une fille, c’est juste avoir un vagin et des nichons.

– N’importe quoi.

– Bah non pas n’importe quoi. C’est vrai.”

Ça c’était l’autre jour, à l’issue d’une discussion sur le fait que ma fille veut une poussette pour promener son poupon. Je plaisantais un peu avec cette idée des jouets sexués, même si en vérité je me fous que ma fille ait une poussette comme je m’en foutrais si ma fille était un fils. Mais c’est rigolo de jouer avec les codes sexués.

Surtout quand t’es une maman. Ou un papa hein. Mais moi j’ai un vagin donc je suis une maman, t’as compris.

C’est étonnant de voir à quel point il faut du temps entre les constats/intentions d’une société et la mise en actes de ce qui conviendrait mieux. Parce que les jouets sexués, ça fait longtemps qu’on en parle. L’idée selon laquelle les attributs du féminin et du masculin sont socialisés, engendrés, fabriqués, construits, dictés par des codes et des normes, on la connait. Tu la connais hein ? Tu as bien vu, toi aussi, qu’une grande enseigne avait proposé à Noël dernier un catalogue au sein duquel des petites filles bricolaient et des petits garçons pouponnaient. Bon.

<…>

 Bref. Si j’écris cet article aujourd’hui, c’est que ça me turlupine pas mal, cette question des attendus sociaux et des comportements sexués. C’est un truc qui m’a toujours beaucoup questionnée, sans que je ne me rallie pour autant à des groupes féministes particuliers. Je me suis beaucoup intéressée à la question du genre, des comportements sexués, des identités sexuelles, etc… Il est une idée parmi tant d’autres qui m’eut interpellé à un moment et qui reste particulièrement ancrée en moi aujourd’hui ; le féminin ou le masculin n’est pas une identité en soi.

Tu es née “fille”, tu as un vagin*. Tu es né “garçon”, tu as une verge**.

*et des nichons. ** et c’est tout. Mouhaha. mais non t’as des testicules ok.

Et encore, je reste binaire pour pas compliquer les choses hein.

Tout le reste appartient à une définition sociale.

Ça a l’air simple et évident comme ça mais on te parle pourtant de “princesse” quand tu engendres une petite fille, on dit à une petite fille qui pleure : “oh tu as un gros chagrin“et à un petit garçon “oh tu fais la grosse colère“(c’est une expérience qui a montré ça). Et gnagnagna. On dit encore “c’est bien une fille hein !” quand ta fille attrape ton collier même si, c’est bien connu TOUS les bébés adorent les colliers et les machins à toucher. Ou encore “C’est bien un mec celui-là“, affirmation joviale destinée à désigner ce nourrisson à testicules qui mettrait la main au paquet de quelconque dame pourvue de nichons (évidemment). T’en connais toi aussi, des comme ça hein ?

N’empêche. Ce sont toutes ces petites choses qui participent à la construction d’une identité féminine et d’une identité masculine, c’est bien connu. On a fait des progrès pourtant. On en parle. On débat. On fait des films et des articles. Etc.

*

Je suis devenue maman il y a 16 mois.

Il faut le dire, aider ma fille à grandir, c’est une grande passion pour moi. Tout prend sens ; mon intérêt pour l’éducation, mes réflexions de comptoir philosophiques, mon optimisme pour le monde de demain, etc… Je suis passionnée. Pas par ma fille (bien que). Par tout ce qu’elle me fait vivre en tant qu’adulte responsable de sa présence sur Terre et dans notre société. Alors j’ai toujours mon mot à dire sur tout ce qui concerne son éducation. Des rapports de pouvoir qu’on instaure avec nos enfants à la semelle souple de son chausson (considérant la motricité libre comme étant en lien direct avec ses orteils oui (cf. Emmi Pikler), du poireau bio que j’ai mis dans son assiette à l’utilisation des concepts d’éducation alternative. De sa couche lavable à l’absence de tout objet entravant ses mouvements. Etc. Rien n’est pensé au hasard tu vas me dire. C’est vrai. J’ai du mal à me dire qu’on peut faire du hasard lorsqu’on a décidé de peupler la Terre de mioches, potentiels consommateurs excessifs et pollueurs participant à la destruction de ladite Terre. D’ailleurs, pour continuer la digression, lis donc cette jolie citation :

J’ai toujours trouvé étrange qu’on puisse se dire qu’il était plus raisonnable de ne pas faire d’enfants dans le monde tel qu’il est. En tant que témoin de ce moment, j’affirme ici l’inverse : c’est le monde, tel qu’il est, qui est en attente des enfants à naître.”

Chantal Birman, sage femme

Hein c’est beau ?

Bon. Forte de ces idées pêle-mêle, et obsessionnelle observatrice curieuse, j’ai joué à un petit jeu. J’ai relevé pendant quelques semaines, au hasard de mes navigations et pérégrinations, tous les éléments qui participent à mon sens à la construction des identités sexuelles de nos chérubins.

<voir lien>

Bon du coup, moi j’ai acheté un livre de princesse à ma fille :

« Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». C’est ainsi que s’achèvent la plupart de nos contes traditionnels. Et après ? Qu’advient-il de nos innocentes princesses symboliquement propulsées du statut de jeune fille à celui de femme ? Cendrillon, la Princesse au petit pois, Blanche-Neige, La Belle au bois dormant, comment vivent-elles la réalité des conditions féminine et maternelle après la perte de leur innocence ?

Ces contes de fées et de princesses sont avant tout des récits allégoriques (dont le public visé n’a du reste, historiquement pas toujours été celui des enfants) sur le passage de l’enfance à l’âge adulte. Mais qu’enseignent-ils véritablement à nos petites filles sur ce que c’est d’être une femme et d’enfanter ?

C’est toute une vision, constipée diraient probablement les auteurs, de l’éternel féminin, le fameux « sois belle et tais-toi » qui est battue en brèche par ce conte quelque peu iconoclaste. Les petites filles de nos sociétés modernes sont toujours soumises à ces représentations de la perfection féminine (souvent plastique) abondamment relayées par les médias. Certains aspects ou caractères, notamment sexuels, de la féminité sont exacerbés, d’autres sont occultés ou au mieux aseptisés. Il en est ainsi de tout ce qui est relatif au sang et au caca ! Or les princesses aussi font caca ! Et accouchent ! Quel rapport, demanderez-vous ? Une sage-femme vous répondrait que c’est la loi des sphincters. Mais ouvrez donc ce petit livre ; vous y lirez une histoire sur la beauté et la puissance de l’enfantement et les vertus du lâcher-prise.

 

Célia

 

http://educateur-specialise.blogspot.fr/2013/07/du-vagin-au-balai-une-histoire-didentite.html

Illu DU VAGIN AU BALAIS - BD

Illustration par Yvanne Buisset

 

http://tortuemasquee.tumblr.com/