Je suis végane depuis deux ans. Depuis la naissance de mon fils. L’idée du véganisme me trottait dans la tête avant cette grossesse. Végétarienne depuis mon adolescence, je mangeais déjà peu de produits laitiers, je refusais les produits testés sur les animaux. Je lisais des textes de végans sur internet (l’excellent blog d’AntigoneXXI, notamment) et les arguments en faveur du véganisme me paraissaient clairs, simples, évidents. Je me sentais prête à ne plus manger de lait ni d’œufs. Je n’avais plus envie d’en manger. Je suis anarchiste, en lutte contre toutes les dominations et devenir végane était cohérent avec cet engagement militant.

Mais je suis tombée enceinte et j’ai repoussé le moment de devenir végane, si important à mes yeux, par peur. La société n’est pas tendre avec celles et ceux qui remettent en question les schémas de l’alimentation et de la consommation. À coup de campagnes de désinformation, études bidons financées par les grosses sociétés agro-alimentaires, on fait passer les végétariens, végétaliens et végans pour des hippies extrémistes carencés qui sous-alimentent leurs enfants. Il faut croire que ces discours sont puissants car malgré mes lectures et mes convictions, ils m’avaient suffisamment marquée pour me faire peur.

La grossesse peut être un moment très infantilisant. Tout est surveillé par le corps médical. Comme c’était ma première grossesse, impressionnée, je me suis laissée faire docilement. Je suis allée à chaque rendez-vous, j’ai répondu à chaque question intrusive. Je me sentais mal mais je me laissais faire car c’était “pour mon bien”. Lorsque j’avais dit que j’étais végétarienne, les médecins avaient tiré la tronche. Certains ont essayé de me convaincre de remanger de la viande « ou au moins du poisson » le temps de la grossesse. Je n’ai rien dit de mon projet de véganisme, de peur d’être grondée, culpabilisée. Pendant neuf mois, je me suis donc forcée à manger des produits laitiers « parce que je devais être en bonne santé pour mon bébé ». Devoir attendre ainsi pendant des mois pour faire quelque chose qui me tenait tant à cœur a été douloureux. Je mangeais varié et équilibré, avais de solides connaissances en nutrition et l’intention de me supplémenter en B12. Je me sentais lâche de ne pas oser, alors que je savais qu’arrêter de manger des produits d’origine animale n’aurait pas d’impact négatif sur ma santé.

                                                                                                                Marie

Une photo en noir et blanc. Une femme enceinte, son ventre est au centre de l'image. Une main est posée entre ses seins et son ventre. Elle regarde son ventre mais on ne voit que son nez et son menton. Quelques mèches de cheveux encadrent le bas de son visage. L'image est contrastée mais douce. Un peu floue, comme en mouvement.

Une photo en noir et blanc. Une femme enceinte, son ventre est au centre de l’image. Une main est posée entre ses seins et son ventre. Elle regarde son ventre mais on ne voit que son nez et son menton. Quelques mèches de cheveux encadrent le bas de son visage. L’image est contrastée mais douce. Un peu floue, comme en mouvement.

Illustration par Émilie Pinsan.