Je n’ai jamais été agressée physiquement par des gens dans la rue.

Pourtant, je ne me rappelle pas avoir déjà marché dans la nuit sans cette peur de “l’agresseur”. Ce mec dont mes parents, et tout mon entourage en fait, me parlent depuis mon plus jeune âge… Cet ogre qui rôde dans les rues à l’affût de sa prochaine proie…

Cette proie justement, parlons-en…

Cette demoiselle qui est la sœur, la mère, l’amie, bref, cette femme qui est chère à quelqu’un, quelque part. Cet être humain qui, parce qu’elle aura été au mauvais endroit au mauvais moment, perdra toute humanité aux yeux de cet ogre. Deviendra seulement une chose, un objet, non pas de désir, mais de domination par la violence. Un simple morceau de viande.

Cet ogre n’est pas très différent de toutes les personnes qui vous entourent.

Ce peut être votre voisin à qui vous dites bonjour tous les matins, le mec mignon qui vous cède sa place dans le métro, ou le moche qui vous aide à porter votre valise dans le métro, ou encore un membre de votre famille…

Flippant, hein ?!…

C’est avec ces “conseils” que j’ai grandi, ces “Ne te balade pas seule la nuit”, “Ne porte pas de jupes trop courtes”, “Ne bois pas trop en soirée”. Bref, toutes ces phrases résonnent en moi comme des incitations à disparaître, parce que si on ne te voit pas, si tu n’existes pas aux yeux des autres, tu n’auras pas de problèmes.

Alors je me suis habillée avec des vêtements trop larges, pour cacher ma silhouette “problématique”.

(Du coup, ces personnes mêmes qui me disaient de faire attention à ma tenue vestimentaire trouvaient que je n’étais pas assez féminine… Allez comprendre !!!)

Mais ça ne sert à rien…

Parce que, malgré ces vêtements “déféminisants”, les mecs continuent de m’aborder dans la rue, de venir me demander une clope pour engager la conversation (Ah oui ! Parce qu’on devrait ajouter ce conseil à donner aux petites filles : “Surtout ne fume pas dans la rue”)…

Le problème, c’est que si on ne répond ou ne sourit, ils prennent cela comme une insulte et, inversement, si on leur répond gentiment qu’on voudrait juste rentrer chez soi… seule, ils prennent cela pour une invitation…

Bref, je ne vois pas de solutions.

Alors je n’écoute plus les conseils. Ces conseils ne servent qu’à m’enfermer encore plus dans la peur, et surtout, ils m’empêchent d’être moi-même. Je ne veux plus être fantôme.

Je veux être libre et humaine, avec mes habits, la nuit à Paris, saoule à en vomir…

…et que plus personne ne vienne me faire chier.

Maud M.

Maud reprend la plume, cinq ans plus tard :  

 

fantome

Illustation par Emilie  Pinsan