Hier.
Hier j’ai tout envoyé voler.

Hier j’ai regardé la vérité en face.
Mon ventre s’est déchiré dans une brûlure très forte.
Enfin les larmes sont montées.
Enfin j’ai pu les laisser couler.
Enfin j’ai étouffé un cri.
Enfin j’ai abandonné.

Il m’était si difficile de ne pas attendre.
J’ai inventé une raison dont je ne suis pas même certaine.
J’ai pensé avec la clairevoyance des autres.
J’ai cessé toute rêverie.
Après tous ces mois à attendre, à espérer, à croire et ne plus croire, à peiner, à ne pas comprendre, à subir, à sourire, à subir, à sourire.
J’ai appuyé sur un bouton tout rond.
Un bouton qui m’a délivrée.
Un bouton sur lequel j’aurai déjà dû avoir appuyé.

Que vais-je garder à présent ?

Je vais me souvenir de cette nuit où tu me regardais avec ta tête d’enfant tombé des nues.
Tes yeux qui trahissaient l’envie.
Je vais me souvenir d’avoir dansé toute la nuit avec le sourire.
Je vais me souvenir que tu me regardais encore.
Je vais me souvenir de ce moment où tu es venu danser à côté de moi, ou je t’ai senti me frôler.
Je vais me souvenir du petit matin ou j’étais assise à côté de la musique, la tête et les mains se balançant au rythme. Mes yeux fermés. L’esprit aérien.
Je vais me souvenir du moment où j’ai ouvert les yeux et où tu me souriais.
Je vais me souvenir de ce moment précis où mon corps a été traversé d’une foudre chaude qui m’a surprise.
Je vais me souvenir que j’ai tourné la tête pour voir si tu ne souriais pas à une autre que moi.
Je vais me souvenir d’avoir souri de plaisir et de timidité.
Je vais me souvenir avoir refermé les yeux pour continuer à danser.
Je vais me souvenir que tu dansais encore en me regardant quand je les ai ouverts à nouveau.
Je vais me souvenir que tu m’as bousculée ensuite.
Je vais me souvenir m’être demandé si je devais venir te chercher.
Je vais me souvenir que lorsque tu es parti, tu t’es retourné.
Je vais me souvenir être rentrée en France avec quelque chose en moi que je ne comprenais pas.
Je vais me souvenir t’avoir recherché et trouvé.
Je vais me souvenir que nous avions envie l’un de l’autre.
Je vais me souvenir que je t’ai senti pas bien sûr de toi et que c’était rassurant.
Je vais me souvenir de cette photo d’un ciel orageux.
Je vais me souvenir avoir attendu trop longtemps.
Je vais me souvenir avoir trop rêvé.
Je vais me souvenir que tu es parti sans te retourner.
Je vais me souvenir qu’avec tous ces mois, tous ces rêves, tout ce désir, j’ai retrouvé des envies, une féminité, un maintien, un jardin, un secret.
Je vais me souvenir de ta première question.
Je vais me souvenir que tu auras été une bonne chose pour moi à ce moment de ma vie.
Je vais me souvenir que les coups de foudres sont rares et totalement fous.
Je vais me souvenir qu’ils pendent le cœur aux étoiles.
Je vais me souvenir que le vent y souffle trop fort là-haut.
Je vais me souvenir que j’ai ressenti à nouveau.

 

Magali

22.09.15

Dessin au feutre et crayon de couleur sur papier blanc : une silhouette féminine remplie de larmes et de fleurs. Derrière elle, qui l’auréole jusqu’aux épaules, une épaisse bulle noire.

Illustration par N.O.