Au commencement, il y avait l’Amour

Au commencement, il y avait l’Amour ; je le voyais si grand qu’il a fait naître, parmi certains de tes amis, la jalousie.
À pas de loup, s’est installé dans ton esprit la peur, le doute, la fureur, le bruit.
Et petit à petit a paru la rumeur : “N’y vas pas, elle est comme ça, elle est comme-ci, Pierre, Paul, Jack me l’a dit…”

À grand fracas, ceux-là de tes amis qui miment ton bonheur sans pour autant le vouloir vraiment m’ont acculée des pires insanités, m’ont trainée dans la boue, ont violé tous mes droits, et d’abord ceux qu’ont portés nos révolutionnaires de pères, ceux de l’Homme. Comment ? En s’insinuant par tous les pores de ma vie, privée comme publique. Ils ont lu mes mails, ont écouté mes conversations, ont fait circuler mes photos ; ont détourné l’ensemble, l’ont déformé, relayé, dans mon dos, sur mon dos.

Sans relâche, de jour comme de nuit, ils ont pensé à ma place sans se soucier de qui je suis. Ils sont venus me jauger, m’épier, me méjuger. Et j’ai pleuré, tremblé, vomi.

Cinq années de mépris, de rires sadiques, de calomnies, dans mon métier, mon quotidien, mes sorties.
Ton réseau tissé par tes veuves noires d’ami-e-s a chassé la sorcière, lui a jeté des pierres, la lie, sans raison, sans morale, sans sentiment, par “jeu”, ce jeu ô combien dangereux. Le Moyen-Âge 2.0, voilà une histoire qui sans cesse se répète. Ivres de pouvoir, ils se sont acharnés sur celle qui résistait. et plus je résistais, plus ils se déchaînaient. J’en parle au passé, car je m’en suis trouvée sans force, sans soutien aucun, vidée, niée, brisée.

Seule à lutter contre les rumeurs infondées, l’injustice, l’injustesse, le mépris. À en devenir folle, à vouloir même parfois en finir avec cette vie qu’ils ont volée, violée, salie, en toute impunité.

C’est là le triste résultat d’un harcèlement moral en groupe, perpétuel, bête et méchant, gratuit ; celui qui ne laisse pas de trace, pas de preuve, aucune voie de sortie. Je n’ai eu personne pour me croire, plus d’envie, les pleurs et ce qui me restait de force se sont taris. Eux ont continué leur “petit massacre entre amis”, sans se soucier de rien, les harceleurs dorment bien, s’en lavent les mains, quand pour moi tout est froid, gris, fini.

Je témoigne pour celles et ceux qui comme moi sont la cible d’un harcèlement plein de nouvelles technologies, utilisant la rumeur, le discrédit ; un acharnement psychologique massif, perpétué par un réseau socio-professionnel, un groupe “d’amis”. Pour ceux qui n’en ont aucune preuve, puisque tout se passe à l’oral, jamais par l’écrit. Pour celles et ceux qui souffrent, qui rampent, qui crient, dans l’indifférence générale, et que la police, comme la justice oublient.

À lui, ce général, ce dictateur, par qui tout est parti, voilà ce que j’écris :

Tu m’as anéantie.
Mon âme pourtant intacte contemple aujourd’hui les restes de ma vie.
Tel un pauvre albatros qui jadis flirtait avec l’immensité, je me trouve aujourd’hui réduite à user les lames de plancher d’un navire hanté, sans savoir où tout cela va me mener. Mon manteau de dignité sali, mes tristes ailes ballantes et engourdies par le froid, la jalousie des uns, l’orgueil des autres, on me contraint à m’exposer au plus grand nombre, qui me toise et m’épie, à la faible lueur de leur lanterne aigrie.

Il t’en aura fallu des soi-disants amis pour couvrir le feu qui nous unît.

Quelque phrase assassine lancée comme un couperet trouve en mon être dénué de tout artifice et à l’armure fêlée de tous côtés une résonance si forte que mes yeux presque éteints par tant de barbarie mettront un temps infini à en distinguer ne serait-ce que les contours, pour, un jour peut-être, les noyer dans l’oubli.

Tu as noirci mes rêves autrefois blancs comme neige.
Les traces de suie laissées dans l’âtre de mon esprit m’empêchent aujourd’hui d’envisager l’avenir, de me saisir de mon passé, pour embrasser l’instanté.
Il t’en aura fallu des soi-disantes “vérités” pour mettre en scène le plus sinistre drame qu’il m’ait été donné de vivre depuis l’antiquité.
Telle une Clarence perdue dans les rue de Paris, cette ville que j’ai si facilement étreinte, chérie et qui aujourd’hui me vomit, qui sans relâche me dédit, j’erre sans faire de bruit, entre les quatre murs que quelques pharisiens ont bâtis, poursuivie par les rires et les moqueries, et me condamnant à traîner le poids d’une culpabilité que je n’ai ni voulue, ni provoquée, ni choisie.

Tu as trahi l’amie.
Le lien tissé au fil du bon temps et des rires, aussi brut et pur qui les soieries qui autrefois miroitaient au gré des nefs et des astres plus grands, s’est aujourd’hui déchiré, tari sous le flot incessant de tes lâches conseillers, me plongeant dans un labyrinthe sombre et éternel, dont jamais, si seule que je suis, je ne trouverai la sortie.
Il t’en aura fallu des soi-disants auteurs de génie pour commettre le meurtre parfait, exempt de toute goutte de sang.

Je suis telle que je suis : accablée par le mépris de tes marionnettistes maudits, isolée sur le sol au milieu des huées, mes ailes froissées, brisées, m’empêchent de me relever.

Restent la Poésie, le Beau, le Vrai, la Vie… inaccessibles et pourtant si près. Combien encore de soi-disantes sentences avant de me laisser à nouveau voguer vers ma destinée ?

Bernardo

Illustration par Bernardo.

Illustration par Bernardo.