Malgré l’annonce par Anne Hidalgo de l’ouverture prochaine d’un camp de réfugiés aux normes internationales sur Paris, l’urgence reste entière. Après de longs mois de lutte, les bénévoles des collectifs de citoyens et petites associations qui jusqu’ici gèrent la situation avec les moyens du bord accueillent avec soulagement et circonspection la nouvelle annoncée en conférence de presse mercredi 31 mai, tout en réclamant une action immédiate de mise à l’abri.
Enfin une lueur d’humanité dans le ciel parisien
Cette conférence de presse intervient au moment où les pluies diluviennes dégradent plus encore les conditions de vie dans le dernier en date des camps de fortune parisiens, Les jardins d’Éole dans le 18e arrondissement. Les tentes abritant plus de 800 personnes laissées ici à l’abandon par les pouvoirs publics sont inondées, de même que les couvertures et les vêtements, au grand désarroi des bénévoles qui craignent des problèmes sanitaires supplémentaires. Un communiqué des collectifs impliqués enjoignant à une intervention urgente a été publié le matin même de l’intervention du maire de Paris (http://www.exilesparis.org/2016/05/31/communique-de-presse-nouveau-campement-de-migrants-aux-jardins-deole/)
En attendant la mise en place effective du campement, promis pour dans un mois et demi, il leur faut gérer le quotidien. Si, à force de négociations, l’Armée du Salut a été mandatée par la mairie pour les repas du soir, et trois sanisettes installées, mais rarement vidées, tout le reste incombe encore à une poignée de citoyens engagés et la tâche est vaste.
Quand les citoyens remplacent l’État
Depuis des mois, l’urgence quotidienne est prise en charge par de simples citoyens et petites associations, coordonnés par le Collectif Parisien de Soutien aux Exilé-e-s. Crée en novembre 2015 pour pallier l’inaction de l’État en termes d’accueil des réfugiés, cette structure a dû tout inventer, sans aucune aide officielle. Ils sont salariés, chômeurs, intermittents, étudiants, retraités, ils sont le visage de l’accueil des réfugiés dans la capitale. Pour les rendre visibles et tenter de faire pression sur les élus, mais aussi pour pouvoir suivre ces populations, ils ont mis en place des campements sauvages dans Paris : République, Stalingrad, Jemmapes, Éole. À chaque fois, des hommes, mais aussi des familles, des femmes seules, parfois enceintes, des mineurs isolés, venus du Soudan, de l’Erythrée, d’Afghanistan, d’Irak, de Somalie, de Syrie, de Guinée, de Palestine… Tous sont épuisés après leur long périple, tous ont subi d’importants traumatismes, tous sont désorientés et ont besoin d’une aide immédiate.
Chronique d’une galère quotidienne
Chaque jour, les soutiens fournissent un travail titanesque pour tenter d’apporter le minimum vital à ces personnes : des tentes pour s’abriter, des couvertures, des vêtements, des chaussures, des repas trois fois par jour, mais aussi un accompagnement aux douches ou aux consultations médicales, un suivi de leurs démarches administratives, une orientation vers des cours de français, un peu de chaleur humaine, le tout avec l’aide précieuse de réfugiés ou refugiés statutaires pour les traductions. Chaque jour de nouveaux arrivants. Chaque jour entre 10 et 50 personnes restent sur le carreau, sans abri, sans chaussures ni manteau, sans rien. Chaque jour il faut recommencer… Aller chercher les invendus, trouver des personnes pour cuisiner, pour distribuer, trouver du matériel, des vêtements, organiser des collectes, trouver des accompagnants pour toutes les démarches, parfois un toit pour une personne malade… jusqu’à l’épuisement. Il leur faut aussi contacter Emmaüs ou le 115, pour la prise en charge des personnes les plus fragiles, rédiger des communiqués pour informer la population, multiplier les rendez-vous pour alerter les élus sur la situation, sans toujours obtenir de résultats, faute de moyens ou de bonne volonté… Des mois entiers d’un engagement total pour ces super-héros du quotidien.
L’attente de l’évacuation
Depuis le premier campement, chaque jour les soutiens espèrent une évacuation et la mise à l’abri des personnes. Et à chaque évacuation, le même scénario. Le collectif n’étant jamais prévenu par les autorités, c’est le suspens au quotidien. Des tours de garde sont donc effectués, avec une présence sur le camp dès cinq heures du matin, pour pouvoir prévenir en urgence tous les autres soutiens et tenter de récupérer le matériel, qui sinon est jeté à la benne. Des milliers d’euros de dons ont déjà finis à la décharge. Il faut reconstituer les stocks, à chaque fois. Si l’annonce de la création d’un camp apparaît comme une lueur d’espoir, aucune solution n’est proposée dans l’immédiat, pourtant l’urgence d’une intervention se fait de plus en plus criante, il pleut toujours sur les Jardins d’Éole.
Alex
Illustration par Aude Arago
Illustration par Nicolas Donarier
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