Je suis travailleuse du sexe depuis un an. Je suis fière de l’être. J’ai un fils et il sait ce que je fais, ou plutôt dans son esprit ce que j’ai fait car il croit que j’ai arrêté.

Il y a un an, mes parents ont compris, à cause de dépenses énormes pour mon fils qui vit chez eux. (Il a décidé de vivre avec mes parents suite à une de mes nombreuses hospitalisations – je suis bipolaire et schizo-affectif et j’étais très mal traitée). À l’époque, ivre morte les trois quarts du temps, je l’ai très mal pris mais j’ai fini par l’accepter. Aujourd’hui, je vais mieux, j’ai repris du poil de la bête, je ne picole plus mais j’ai adopté une mauvaise habitude: le crack. J’adore ça et ça me coûte les yeux de la tête.

Je connais un garçon depuis septembre 2016. Il m’a fait beaucoup de mal dans la tête et dans le corps, allant jusqu’à me faire saigner du nez et deux fois un œil au beurre noir. Il est allé en prison pour ça. Seulement trois mois… Tu parles d’une remise en question… Il a été extradé vers la Tunisie et vit à Tunis, entre un appartement à son nom et une maison avec ses parents, sa chambre, son ordi… etc., tout ce qu’il faut pour me recontacter et reprendre son emprise sur moi. 

Mieux soignée (merci aux antipsychotiques, lithium et anti-dépresseurs), plus stable dans ma tête, la crise de la quarantaine s’annonce chez moi (je vais avoir 37 ans)… Mais je fais un métier peu reconnu par la société, marginalisé par les lois visant les utilisateurs des escort girls, comme moi. Il suffit de s’inscrire sur des sites d’escort pour trouver son public : un public très varié allant du jeune de 19 ans au pépé de 72 ans. À vrai dire, je suis plutôt une infirmière du sexe ; je donne à qui en a besoin.

Tout en écrivant ceci, un client est venu : la quarantaine, bien sapé, le genre homme d’affaire. J’ai mis de la musique pour l’apaiser car je le sentais stressé. Ensuite, tout s’est déroulé impeccablement. Je lui ai demandé s’il reviendrait il m’a dit : oh oui ! J’adore ce sentiment d’avoir accompli une tâche.

Depuis un an, je ne vois mon fils qu’une fois par mois, en présence d’un tiers (l’éducatrice ou mes parents). Je le vis très mal… C’est la justice qui s’est penchée sur mon cas à cause de mes parents. Et le 30 novembre 2017 je repasse devant le juge accompagnée d’un avocat.

Bref, ça vous secoue peut-être dans vos petites masures mais on peut être prostituée et fière de l’être.

Anne Bonny

 

Illustration par Blackness