AU COEUR DES VIOLENCES
QUAND LES FEMMES VICTIMES MÈNENT LE DÉBAT !
« La violation des droits de l’homme la plus honteuse se caractérise sans doute par la violence à l’égard des femmes. Elle ne connaît pas de clivages géographiques, culturels ou sociaux. Tant que les actes violents continueront d’être perpétrés, nous ne pourrons prétendre à des progrès pour atteindre l’égalité, le développement et la paix. »
Kofi Annan
L’Institut en Santé Génésique (à Saint Germain en Laye) est un centre multidisciplinaire holistique des violences faites aux femmes. Il intègre, de façon opérationnelle, la prise en charge pluridisciplinaire systématique des patientes bénéficiant d’une chirurgie réparatrice pour mutilation sexuelle féminine. Le centre chirurgical de Saint-Germain en Laye a effectué près de 5 000 chirurgies réparatrices depuis 25 ans. La chirurgie, longtemps remise en question, prouve aujourd’hui, par la prise en charge pérenne, que la femme connait “un avant et un après”. Cette nouvelle dimension lui permet de s’engager dans un “NON” à l’excision, ferme pour ses filles, quel que soit le lieu dans lequel elles évolueront. La prise en charge des mutilations sexuelles féminines, telle que nous la pratiquons actuellement, se pose comme un acte exemplaire de « réparation » et de retour vers la société.
Les deux idées novatrices de cette prise en charge sont :
– aborder la mutilation sexuelle féminine comme toutes les autres violences faites à la femme.
– intégrer le parcours chirurgical dans un processus holistique pérenne, prenant appui sur le premier entretien qui sera l’ancrage indispensable pour une prise de conscience des conséquences physiques et psychologiques de la mutilation sexuelle féminine.
Aujourd’hui nous devons nous battre contre certaines idées reçues et surtout contre la stigmatisation de l’excision. L’Institut en santé génésique a intégré volontairement l’excision comme l’une des violences faites aux femmes. Les cercles de parole démontrent cette évidence. Les femmes utilisent les mêmes mots quels que soient le type et le lieu de violences.
La singularité de chaque femme démontre la complexité d’une prise en charge qui ne peut être universelle et générique. Plusieurs sujets animent nos échanges au sein de l’Institut.
1/ L’éducation
La préoccupation majeure de nos aînés est d’intégrer l’éducation comme moyen pour lutter contre cette tradition millénaire, habituellement utilisée comme outil patriarcal pour maintenir les femmes dans une forme d’asservissement. Mais finalement de quoi parle-t-on ? L’éducation et la sensibilisation peuvent-elles prendre le même sens selon le pays dans lequel elles devraient se développer ?
2/ La place de l’homme
La place de l’homme doit être différenciée selon que l’on parle de l’époux/ compagnon, du père, de l’homme d’une communauté. Au sein de l’Institut en Santé Génésique, nous recevons autant que possible les partenaires, qui seront les meilleurs complices d’une rééducation sexuelle.
3/ L’orientation vers le réseau des professionnels
Nous devons écouter, entendre, comprendre et partager avec d’autres professionnels (médecin, sage-femmes, psychologue/sexologue, juriste, acteurs sociaux). En nous appuyant sur ce réseau, on prendra en considération la singularité de la femme, son contexte de vie, l’étape dans laquelle elle se trouve (jeune femme, mère, compagne, son âge n’étant pas le déterminant principal). Sa volonté de partager et de poursuivre bien au-delà de son souvenir ou non de l’excision, sera définitivement privilégiée. Sa détermination à se raconter définira le temps nécessaire de sa prise en charge holistique. C’est bien elle qui décide maintenant.
4/ La migration
L’augmentation de la migration vers des pays “protecteurs” fait apparaitre un risque non négligeable pour ces femmes : une “grande” précarité à venir car l’intégration sociale se rajoutant à leur souffrance est significative, et lors du premier entretien avec nous elles décrivent une grande solitude, leur mal-être psychologique, voire des violences ajoutées, malgré une volonté de bénéficier d’une chirurgie réparatrice – une solution qui ne résoudra qu’une partie de leurs attentes et revendications.
Nous ne devons jamais baisser la garde, car aucune tradition ne peut être acceptable au détriment de la santé. L’Institut en Santé Génésique a mis au centre de sa prise en charge la bonne santé, en privilégiant le choix de chaque femme de sa sexualité et du moment qu’elle aura choisi de reconsidérer sa condition de femme dans la société.
Frédérique Martz Directrice Institut en Santé Génésique
Co-Fondatrice (avec le Dr Pierre Foldes)