Je m’appelle Magali, j’ai 35 ans, je travaille en CDI, je suis maman et j’habite dans le 19ème arrondissement.
Au début du mois de février 2016 je suis passée au métro Stalingrad en promenant mon chien.
J’ai découvert alors une réalité cachée et incroyable.
Je me suis retrouvée face à une cinquantaine de personnes d’origines africaines et arabes, nassées sous ce métro aérien par une bonne dizaine de flics.
Des personnes étaient là pour soutenir.
L’une d’elle est venue m’expliquer la situation.
J’ai alors découvert les camps de réfugiés.
La semaine suivante, à ma pause déjeuner, je suis allée faire une distribution de repas sur ce même camps.
J’ai vu des gens extraordinaires s’agiter pour ces personnes exilées en grande précarité.
J’ai vu citoyens, collectifs et associations s’agiter pour faire le travail d’un gouvernement dont j’ai rapidement compris qu’il était raciste et lâche.
J’ai vu l’énergie et la bienveillance.
J’ai vu la lutte et l’espoir.
Mais j’ai aussi vu les violences et les pressions policières, l’invisibilité, les courses poursuites, les bagarres, l’oppression et les rafles. Je suis restée neuf mois sur le terrain, quasi non-stop.
Presque tous les jours.
J’ai ri, j’ai ragé, j’ai pleuré parfois.
J’ai vu un homme CRS donner un coup de pieds dans le landau d’une femme vivant sur ces camps lors d’un contrôle.
J’ai vu un homme CRS bousculer une autre femme et son mari puis, après mon intervention la gorge nouée, lui lâcher le bras comme on se débarrasse de quelques chose de sale et dire « elle ira chialer ailleurs de toutes façons ».
J’ai vu les CRS le soir sommer la dispersion d’hommes, de femmes et d’enfants avant de les charger sur l’avenue de Flandres.
J’ai vu les voitures de flics nous suivre pour nous décourager de distribuer du thé chaud et des conseils administratifs aux réfugiés cachés dans le quartier.
J’ai vu un mec nous jeter un sac de pains frais et démarrer en trombe car les CRS étaient encore là.
J’ai vu des hommes allongés sur le sol, en pleurs, épuisés, avec une ligne de flics devant eux pour leur demander de partir nulle part.
J’ai vu des mineurs isolés étrangers refusés par la protection de l’enfance comme mineurs malgré des papiers les certifiant comme tels.
J’ai vu des enfants migrants hauts comme trois pommes jouer dans les jambes de flics sur un trottoir sale au milieu des pots d’échappement.
J’ai vu des soutiens se faire frapper par des CRS parce qu’ils filmaient les actions policières.
J’ai vu des personnes évacuées des camps comme des bêtes, sans pouvoir récupérer leurs effets personnels.
J’ai vu les services de nettoyage de la ville de Paris détruire les tentes, les sacs de couchages et tous les dons que nous avions récupérés pour aider.
J’ai vu les services de nettoyage de la ville de Paris détruire les affaires personnelles des personnes exilées.
J’ai vu quelques flics attristés et pas du tout déterminés.
J’en ai vu d’autres se moquer.
J’ai vu des dizaines et des dizaines de cars de CRS stagner dans mon quartier pour chasser toutes les personnes qui seraient venues par ici chercher une aide, un soutien, un buisson où dormir, une soupe à manger.
J’ai vu des grillages montés partout dans le quartier pour empêcher leur regroupement.
J’ai vu un faux village de Noël et des jeux pour enfants se monter sur l’avenue de Flandres après la dernière évacuation.
J’ai vu que ce village n’a jamais ouvert et que les enfants du quartier n’ont jamais bénéficié des installations.
J’ai vu cette traque inhumaine.
J’ai vu cette rage dans nos cœurs.
Nous ne lâcherons rien.
Et nous rendrons visibles leurs vies et leurs besoins !
Magali
Association Polyvalence
avril 2017

Dessin au stylo noir sur fond blanc : au sol, des racines, elles se transforment en une tige qui porte quatre têtes entourées dans des cercles, toutes ensemble entourées d’autres cercles. Le tout est surplombé d’une plus grosse tête aux longs cheveux ébouriffés, de laquelle pendent quelques longs traits/rayons.
Illustration par Louve