J’ai rencontré ce mec sur un célèbre site de rencontres. Vous savez, celui où on met les mecs dans des caddies. Celui qui est censé être à l’avantage des filles, qui renverse les rôles et tout un tas d’autres conneries auxquelles je n’ai jamais cru. Mais ça restait un site plutôt fun pour une fille comme moi qui avait horreur de ce genre de truc. Bref.

Ce mec, donc, je lui avais à peine parlé. J’avais l’habitude d’accepter les propositions de rencontres en face à face qu’après de bonnes discussions ou, au moins quand je sentais un bon feeling, ce qui n’était pas vraiment le cas ici. Il me propose qu’on se voit, qu’on aille boire un verre ce soir. Très timide, je n’aurais jamais accepté de voir un mec avec qui je n’accrochais pas tant que ça mais ce soir-là, j’étais déprimée, je venais de sortir d’une relation qui avait durée peu de temps, je m’ennuyais, bref je n’avais pas le moral. Un peu par défi envers moi-même, j’accepte. Je me prépare, j’ai la boule au ventre comme avant chaque RDV. On se retrouve sur Paris, on va boire un verre. Le courant passe plutôt bien, il est mignon. Il me plait assez mais je ne ressens toujours pas le “feeling”. Je passe tout de même un bon moment et l’alcool, comme d’habitude, m’aide à me détendre.

Il n’a pas manqué plusieurs fois de me faire savoir qu’il habitait dans le coin et me propose de prendre un dernier verre chez lui. Pourquoi pas. Dans l’ascenseur, il m’embrasse. Je me sens plutôt bien grâce à l’alcool, certainement. Chez lui, il met de la musique, me sert du vin, on continue de discuter.

Puis là, il me dit qu’il se fait tard, qu’il commence tôt, qu’on devrait aller se coucher. Ok. Ici, certaines choses commencent à devenir floues dans ma mémoire. On va dans sa chambre. Il commence à me déshabiller. Je me sens stressée, pas à l’aise. Il me demande si je veux qu’il éteigne la lumière. Je dis oui. Je ne sais plus comment je me retrouve allongée sur le dos, dans son lit, nue. Je n’ai jamais dit oui. Je n’ai jamais dit que j’en avais envie. Et je n’en ai pas très envie. Il me demande si je suis stressée ou quelque chose du genre. Je réponds oui. Je ne sais pas s’il me répond. Je me dit, à un moment, paniquée, qu’il pourrait me violer. Tout sera plus simple si je me laisse faire… Je lui dis “doucement”, stressée. Mais je ne sens rien. Strictement rien. Il termine rapidement sa petite affaire. Il dit qu’il est content, ou une connerie du genre et qu’il ne parle pas trop après l’amour. Il s’endort rapidement de son côté. Moi, je pleure en silence. Ce qui me blesse le plus à ce moment-là, c’est qu’il n’a pas un seul geste de tendresse pour moi. Je me dis que je ne vais pas pouvoir dormir à ses côtés, c’est insupportable. Je me lève, je vais sur le canapé, je textote des amis. Je voudrais rentrer chez moi. Je finis par revenir dans le lit et m’endormir.

Le lendemain, il se lève pour aller bosser. Par politesse, je me lève et m’habille pour partir en même temps que lui. Il me propose de prendre une douche. Non, je ne veux pas, je veux être chez moi et me recoucher dans mon lit au plus vite. Finalement, il me dit que j’aurai pu rester chez lui pour faire la grasse matinée. Fallait le dire avant que je me prépare, connard. Bref on sort, on se sépare et je ne le reverrai plus jamais.Plus tard, à une soirée, mon ex lit mes messages sur mon portable et apprend l’existence de ce “coup d’un soir” comme je le définissais dans ma tête. Moi, la fille prude, avec ses blocages sur le sexe, j’avais réussi à coucher sans sentiments. Je pensais avoir passé un cap. Mon ex ne me traite pas de salope mais c’est tout comme. Ca ne me ressemble pas, qu’il me dit, bref, il me sort un bon slutshaming.Je ne sais pas quand j’ai commencé à assimiler cette histoire à un viol. Aujourd’hui, je ne me sens pas violée. Je n’arrive pas à appeler ça un viol. Je ne me sens pas légitime avec tous les témoignages que j’ai pu lire. Mais je sais qu’il y a un problème. Que mon non-consentement a été ignoré quelque part.

J’ai même envoyé le guide du consentement (http://antisexisme.net/2014/01/31/guide-du-consentement/) à ce mec sur le site, mais il ne s’est pas connecté depuis. Je n’ai pas (encore) le courage de lui envoyer via Facebook.

Skylar

 

Illustration par Léo.

Illustration par Léo.