J’ai pris une pilule 3ème génération pendant 1 an et demi, au début de ma vie sexuelle, jusqu’à ce que les hormones me rendent totalement chèvre. Je n’ai pas “choisi” cette contraception. Je suis allée chez mon médecin de famille, j’ai demandé une contraception, elle m’a pesée, posé deux questions et m’a prescrit la pilule. À savoir qu’à l’époque, je fumais, le lui avais dit, mais ça n’avait pas influencé son choix pour une pilule de 3ème génération alors que c’est très déconseillé en premier usage pour des fumeuses. Au bout d’un an et demi, donc, j’en ai eu marre. Mon syndrome prémenstruel était insupportable, j’avais environ une migraine par semaine, et mon mode de vie avait changé et me rendait assez hostile aux hormones ingérées tous les jours à heures fixes. De plus, je paniquais dès que je l’oubliais, ce qui n’arrivait pas très souvent mais me faisait vivre des crises d’angoisses vraiment fortes.

À mon premier rendez-vous chez une gynécologue, en décembre 2012, j’avais parlé de ces symptômes, demandé un antidouleur puissant pour mes maux de ventre et mes migraines, la praticienne m’avait répondu que c’était normal, ce sont les règles, c’est comme ça. Elle m’a dit qu’elle ne préconisait pas les stérilets aux nullipares, et qu’elle ne m’en poserait pas. Je n’étais pas plus décidée que ça à l’époque, mais j’avais par contre décidé de ne plus jamais retourner la voir.   En mai 2013, mes symptômes liés à la pilule étaient vraiment devenus insupportables, donc j’ai lu le site de Martin Winckler en long, en large et en travers pour me familiariser avec le DIU, que je voulais au cuivre. J’étais décidée à ne pas me laisser marcher sur les pieds. J’ai pris rendez-vous avec mon nouveau médecin traitant, ayant déménagé entre deux, et lui ai expliqué mon projet très rapidement : “je voudrais passer à un DIU cuivre, et j’aimerais que vous me recommandiez quelqu’un d’ouvert pour la pose”. Mon médecin n’a fait aucune remarque désagréable. Au contraire, il s’est permis de féliciter mes connaissances sur le sujet et ma volonté de ne pas souffrir inutilement à longueur de temps. Il m’a dit qu’il ne posait pas les DIU, n’étant pas formé à cela, mais m’a fait prendre rendez-vous avec une généraliste de son cabinet, qui avait, elle, reçu la formation. Je m’attendais à devoir batailler pendant des heures, et à rager, et apparemment ça allait être beaucoup plus simple. Quelques jours plus tard j’avais rendez-vous avec cette généraliste, pour un premier contact.   Aucune question intrusive là non plus. Elle m’a juste demandé si j’étais consciente que le DIU ne protégeait pas des MST, et puis m’a expliqué comment elle procédait. J’avais lu Le Chœur des Femmes de Martin Winckler, et je guettais tout signe avant-coureur d’un recours à la maudite pince Pozzi, celle qui accroche le col de l’utérus et fait donc très mal, quand il est possible de ne pas l’utiliser sans beaucoup plus d’embarras. Rien de tout cela à première vue. Je suis repartie avec un rendez-vous deux semaines plus tard, une ordonnance pour un DIU de petite taille adapté aux utérus nullipares mais pas moins efficace (là aussi, j’avais en tête qu’il faut le plus de millimètres carrés de cuivre possible pour rendre le dispositif plus efficace), et des médicaments pour préparer la pose. Le jour même, j’étais ultra détendue. Je me sentais en confiance, tout allait bien se passer. J’étais prête à avoir mal, on m’avait prévenu eque les nullipares souffrent en général beaucoup plus que les femmes ayant déjà accouché, qui souffrent elles-aussi pas mal. Mais j’étais prête, parce que j’en avais marre de cette pilule et je le voulais, ce stérilet.   J’ai pris le décontractant musculaire, pour détendre mon col et préparer mon utérus à l’intrusion du DIU. J’ai été reçue dans le cabinet par la praticienne, toujours souriante, détendue, et très pédagogue. Je me suis sentie adulte et responsable, pas infantilisée comme lors de mes précédentes expériences en gynécologie. Elle ne s’est pas permis de me toucher sans m’en demander l’autorisation au préalable. Elle m’a posé le spéculum, puis le DIU, sans avoir recours à la pince Pozzi.   Et je n’ai rien senti. Rien. Alors qu’elle a eu du mal à me le poser, ce stérilet. Plusieurs fois elle m’a demandé si ça allait, si j’avais mal. Elle m’a expliqué qu’elle avait des difficultés à insérer le stérilet (j’apprendrai avec l’échographie de contrôle que j’ai un utérus rétroversé, rendant la pose avec une position gynécologique traditionnelle plus difficile), mais elle n’a pas cédé à la facilité, ne s’est jamais énervée, ne m’a pas culpabilisée, rien. Je n’ai absolument pas eu mal, ni ressenti aucune gêne psychologique à être là. Ca a duré 15 minutes au lieu de 5, d’accord, mais ça en valait la peine ! Une fois le DIU inséré, elle m’a conseillé de prendre les antidouleurs prescrits parce que mon utérus allait se contracter comme pendant les règles, pour s’habituer au DIU. Au moindre problème, je pouvais l’appeler en urgence. Et si j’avais envie d’enlever le DIU, pour quelque raison que ce soit, on prenait rendez-vous, elle ne me demanderait aucune justification, si ce n’est pour s’assurer de ma santé physique.   Je n’ai donc pas bataillé pour avoir mon DIU, au contraire.Lorsque j’ai passé mon échographie de contrôle, pour vérifier qu’il était bien déployé et efficace, l’échographiste a été d’une douceur extrême, me demandant l’autorisation pour passer d’une écho externe à la sonde endo-vaginale, m’expliquant les mesures qu’elle prenait, me montrant mon DIU sur l’écran. Encore une épreuve qui n’en était pas une finalement.   Alors quand j’entends ma meilleure amie, et toutes ces autres femmes, me raconter leurs expériences avec des gynécologues ou des professionnels de santé, par rapport à ces questions de contraception, j’ai envie de hurler.

 

Parce que je SAIS qu’il est possible de faire différemment. Ça ne coûte pas plus cher, ça ne prend pas beaucoup plus de temps. Et quand bien même : n’est-ce pas la santé du patient – et ici, de LA patientE – qui compte le plus ?

Je sais combien il est difficile de s’affirmer face aux blouses blanches. Plus jeune, j’ai vécu des traumatismes de leur part, quand, à 15 ans, j’ai dû subir une échographie utérine d’urgence et que le praticien a sous-entendu pendant tout l’examen que je lui mentais et qu’il allait découvrir un fœtus sur l’écran, alors que j’avais l’appendicite et un kyste ovarien énorme qu’il n’a pourtant pas été foutu de déceler sur ce même écran, trop occupé à chercher un fœtus j’imagine.   Et je sais aussi qu’il est possible d’être traitéE de manière humaine et empathique, sans même avoir besoin de batailler pour ça. Je n’ai donc même pas envie de conseiller aux femmes et jeunes filles de batailler pour que leurs droits, leurs vies et leurs corps soient respectés. Ca ne devrait pas se passer comme ça. C’est aux médecins de (re)devenir humains et empathiques, en toute circonstance, et de cesser de traiter les femmes comme de simples appareils reproductifs.

Une Jeune Idiote
Illu JE SAIS QUE C'EST POSSIBLE - BD
Illustration par Emilie