Quand j’y réfléchis, le premier moment où le concept de « maternité » a eu un impact sur ma sexualité remonte à… avant ma première fois. J’ai été élevée dans un milieu avec accès à l’information, j’ai donc toujours connu le lien de cause à effet entre les deux et eu accès facilement à des moyens de contraception. Mais finalement, j’ai tellement intégré que c’était de ma responsabilité en tant que femme que ça ne m’a jamais posé de problème (jusqu’à l’éveil de ma conscience féministe).

Puis, ensuite, et sans entrer dans les détails, j’ai eu une sexualité plutôt simple, apaisée, sans traumatismes, sans difficultés.

Et un jour, j’ai été prête à l’envisager, cette maternité. À donner au sexe une obligation de résultat plutôt qu’une obligation de moyens. Et ça change tout : on calcule le(s) bon(s) jour(s), on fait attention aux positions, on ne l’envisage plus sans pénétration. On y met beaucoup (trop ?) de réflexion. Je suis plutôt chanceuse : il m’a fallu très peu de temps pour tomber enceinte, mais j’ai souvent pensé à ceux pour qui ce n’était pas si simple. Comment conserver la spontanéité ? Le plaisir ? Comment ne pas être obsédée quand le schéma est le même pendant des mois (ovulation = coït planifié et quasi obligatoire, infime retard = espoir, règles = déception, ad lib.) ?

Puis, pour les plus chanceux, vient la grossesse et la transformation en objet médical. À cette période, ça ne m’a pas dérangée. Je crois que le suivi régulier me rassurait et me connectait à mon corps. Mon rapport à la sexualité n’a pas été transformé à ce moment-là (je vous passe les considérations purement pratiques d’un corps transformé dans les derniers mois et qui demande une certaine adaptation). Mais une fois l’accouchement passé, j’ai eu le sentiment d’être dépossédée de mon corps par les nombreux rendez-vous et consultations médicales. Suites de couches, rééducation périnéale, pose de DIU… autant de raisons de n’envisager son corps que par ses fonctions physiques (de reproduction, dans ce cas précis). Cette sensation a été amplifiée par le fait qu’à chaque étape, j’ai été sollicitée par le corps médical pour être le « cobaye » d’élèves (sages-femmes, internes…). Ceci couplé à la fatigue physique et psychologique des premiers mois de maternité a fait passer la sexualité en arrière-plan. Je crois que je n’y réfléchissais même pas. Mon corps, ma tête étaient en veille. Des études prouvent sûrement que tout ceci s’explique scientifiquement, par les hormones, par des réflexes anciens dont l’objectif est clairement établi (même s’il existe sûrement des personnes qui n’ont pas vécu cette période de la même façon). Mais ça ne m’a jamais pesé, jamais inquiétée. Je savais que ce ne serait qu’une phase et j’ai la chance d’être bien accompagnée par quelqu’un qui a compris et m’a laissé revenir tranquillement vers lui, à mon rythme.

Et c’est ce qui s’est passé, ça a pris un peu de temps mais je suis progressivement redevenue moi-même, avec le même rapport à la sexualité qu’avant : simple, apaisé, pour le plaisir. Je me souviens encore d’avoir eu le sentiment qu’une page s’était tournée quand je suis sortie de mon dernier rendez-vous de rééducation périnéale. Désormais, je n’enlèverai mes sous-vêtements que par envie et non plus par nécessité.

Jusqu’à la prochaine fois.

Chloé

Dessin au stylo noir fin et crayon de couleur : en bas de l’image un rectangle noir, sur le côté gauche, un long rectangle noir fin qui rejoint le premier par l’extrémité droite, en diagonale. Sur la partie gauche de l’image, entre les deux rectangles, un grand visage de profil, non réaliste, avec des cheveux et des yeux rouges, une grosse boucle d’oreille noire et des lèvres de la même couleur. Entre le nez et le menton, un arc rouge avec des perles espacées.

Illustration par ©Alraun

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