La circoncision, c’est l’ablation du prépuce, le petit bout de peau qui recouvre le gland.

Chez les juifs, cette ablation est pratiquée très tôt lors de la cérémonie de la brit milah.

Brit en hébreux, signifie Alliance, et milah coupure. Cette alliance rappelle celle d’Abraham avec Dieu, qui lui demande de se circoncire et de circoncire ses descendants en témoignage de cette Alliance.

Selon la Torah, Abraham se circoncit donc, ainsi que son plus grand fils Ismaël qui a treize ans, jusqu’à son plus jeune garçon, Isaac qui a alors huit jours. Les juifs ont conservé les huit jours pour effectuer la brit milah, alors que les musulmans ont opté pour un âge plus avancé généralement vers 7 ou 8 ans. C’est lors de la brit milah que le nom du garçon est dévoilé publiquement.

Il est intéressant d’assister à une brit milah. C’est très fort et il y a toujours beaucoup d’émotion. C’est typiquement une cérémonie durant laquelle la tradition s’impose plus fortement que lors d’autres cérémonies. Car ici le corps est touché, et c’est le corps de l’enfant. Dans toutes les “Brit” auxquelles j’ai pu assister, il y a souvent au moins l’un des deux parents qui était très impacté par l’acte de l’ablation. Il y a donc une double émotion : celle de la conscience de toucher à l’intégrité de son enfant mêlée à l’émotion de l’entrée dans le peuple juif.

Cette mixité troublante d’émotions est une constante dans la société juive. Je me rappelle d’une amie très diplômée qui était revenue totalement outrée de la préparation au mariage effectuée par le consistoire, qu’elle avait jugée totalement machiste. Elle était dans le même temps très heureuse de se marier de manière orthodoxe, bien qu’on lui demandât par exemple de ne pas regarder son mari dans les yeux au moment de ses règles, le corps de la femme étant à ce moment jugé impur.

Certains juifs conservateurs de mes amis sont médecins, chirurgiens, et je suis parfois très étonné de voir qu’ils laissent pratiquer certains actes lors de la circoncision. La métsitsa, notamment, est l’acte d’aspiration du sang qui se déroule après la coupure de prépuce par le mohel, celui qui pratique l’acte. Ce dernier se penche sur le prépuce de l’enfant et en aspire le sang, c’est un geste de purification. C’est symbolique.

Mais la symbolique se heurte aux connaissances actuelles de la médecine, puisque l’on sait aujourd’hui que ce type de contact est propice à la propagation de l’herpès, et pourquoi pas du VIH, dans un sens comme dans l’autre d’ailleurs, car l’enfant peut également être porteur du VIH, et cela, le mohel n’en sait rien. Même si le risque de transmission est faible, il n’est pas nul.

La Brit Milah est toujours un moment très fort en émotion, par cet acte l’enfant entre dans la communauté. Les femmes pleurent, et les hommes aussi. La circoncision est je crois la tradition identitaire la plus forte, avant le respect du Chabbat par exemple. Spinoza dira d’ailleurs que « le signe de la circoncision me paraît d’une telle conséquence que je le crois capable d’être à lui tout seul le principe de la conservation du peuple juif. »

Cette question de faire continuité de peuple est très présente chez les contemporains.

Mon meilleur ami, issu d’une famille en partie juive mais qui n’est pas juif lui même, a épousé une femme juive, très intelligente et diplômée. Tous deux sont mes amis, ils sont laïques: elle est agnostique, et lui, fortement athée. Lorsqu’ils eurent leur premier enfant, ce fut un garçon. La question de la circoncision se posa bien entendu, et tous deux se trouvèrent devant un dilemme, celui de faire entrer l’enfant en religion bien qu’étant eux -même non croyants. Ils choisirent de circoncire l’enfant car la mère ne pouvait  supporter de casser le lien symbolique qui la reliait à ses aïeux, et de les trahir. Son mari vécut assez mal ce moment qu’il considérait comme une violence faite à son fils.

Je suppose que le caractère tardif de la circoncision chez les musulmans est plus traumatisante encore que chez les juifs, notamment pour l’enfant. L’ayant eue quand à moi très tôt, je n’en ai aucun souvenir.

En revanche, j’ai connu l’école républicaine dans le sud de la France où j’étais immédiatement identifié par les autres comme étant juif dès lors que l’on était dans un vestiaire pour se changer. Je suppose que les musulmans vivent la même chose lorsqu’ils sont en minorité. Et je suppose aussi que les athée et les chrétiens non circoncis le vivent aussi dès lors qu’ils sont minoritaires au sein de circoncis, puisqu’ils sont alors identifiés comme non musulmans, ou non juifs.

En soi, c’est un marqueur. Et cela est une expérience assez curieuse lorsque l’on vient d’une famille athée comme la mienne qui ne se sent pas juive et qui ne revendique aucune appartenance. En fait, ce sont les autres qui vous regardent en tant que juif, sans animosité aucune (en tout cas à l’époque et dans le sud), mais l’identification se fait tout de même. Lorsque l’on est enfant, la question tombe inévitablement: “tu es juif ?”.

Je me souviens aussi d’un autre ami d’enfance qui était venu me solliciter à l’adolescence, car il faut reconnaître que le mohel qui l’avait circoncis bébé avait fait du sale travail. Ses parents le savaient je crois, et les miens également, il y avait même eu un mini scandale car la mère n’était pas du tout satisfaite du résultat. Nous grandîmes. Un jour lorsqu’il était âgé de 16 ans il vint me voir et me montra son prépuce pour savoir si vraiment je trouvais qu’il avait un sexe anormal. Je n’ose imaginer la difficulté que cette circoncision mal faite devait lui causer dans  son rapport aux femmes. Je l’avais rassuré bien sûr, mais devenu adulte je ne sais pas si il choisit d’effectuer malgré tout une chirurgie réparatrice. Ce qui est sûr, c’est qu’il est aujourd’hui lui -même chirurgien.

De mon côté, je n’ai pas à me plaindre.

Je n’ai pas le plaisir d’avoir le gland luisant lorsqu’il est décalotté, ce que je trouve assez beau dans les films porno, lorsque je vois les sexes non circoncis des autres hommes qui me rappellent certaines fleurs tropicales, mais dans le même temps  aucune de mes compagnes ne s’est jamais plaint. Certaines m’ont même dit qu’elles préféraient, mais je ne sais pas pourquoi, ce n’est pas vraiment un sujet de discussion.

À vrai dire, j’aime bien mon sexe. Au niveau sexuel, la peau du gland est un peu plus épaisse que celle d’un non circoncis, et elle est moins sensible. En conséquence je pense que la plupart des circoncis sont un peu plus longs à jouir, ce qui en fait soit de meilleurs amants, soit d’insupportables amants selon la (ou le) partenaire et son humeur du jour.

Eliott.

Photographie d’un grand graffiti sur un mur de briques : des visages de profil, tous semblables et sans cheveux, une partie d’entre eux a des cicatrices, ils regardent à droite comme à gauche. Deux panneaux en bois, le premier est au centre du mur, en hauteur, peint en blanc. En noir des visages et bustes de profil qui regardent tous vers la droite. Second panneau peint en blanc aussi, tout à droite du mur, comme un porte. Un homme marron avec la même tête que les autres est dessiné de profil, nu. Il touche d’une main son très long sexe noir en érection qui lui arrive presque au menton.

Illustration par Carolyne Missdigriz
https://missdigriz.com