J’avais senti cette tension, mon cousin agacé, sa copine joueuse, mes sœurs amusées. J’avais senti cette tension, alors j’ai prétendu de la fatigue pour monter à l’étage me coucher. J’étais dans la salle de bains quand je l’ai entendu élever le ton. J’ai eu peur. Je l’ai ensuite entendu la frapper. J’étais paralysée par la peur. Je me demande encore si j’ai vraiment entendu ses coups ou si j’ai cru les entendre.  Je ne pouvais plus bouger.  J’entendais aussi mes sœurs apeurées lui demandant d’arrêter. Tout ce que j’entendais me rendait immobile. Il l’a frappée, plusieurs fois, devant mes sœurs, ma petite sœur, que je suis censée protéger étant plus âgée, celle qui compte sur moi, celle qui vient me voir quand elle a peur le soir. Mais je n’ai rien fait. Je suis restée figée, par la peur, l’horreur. J’ai tout entendu et je n’ai rien fait. Je n’ai même pas essayé. Je n’ai pas essayé de descendre pour intervenir, lui demander, lui dire, lui ordonner d’arrêter. Pour l’arrêter tout simplement. Rien. Je suis restée cachée dans la salle de bains, sans penser à elle, sans penser à mes sœurs. Je suis une lâche, une complice. Chaque fois que je le vois, que je le serre dans mes bras, que je l’embrasse pour lui dire bonjour, je suis complice. Complice d’un homme qui frappe pour faire taire. Complice d’un homme qui assoit son autorité par la force physique. Je n’ai rien dit, rien dit à sa copine qui s’est enfuie et qui est revenue le soir même. Revenue pour mes sœurs et moi car elle ne voulait pas qu’on ait peur. Elle l’a excusé, elle nous a demandé d’excuser sa conduite, elle l’a justifiée. Je n’ai rien dit. Je n’ai pas dit que s’il l’a fait une fois, il le referait certainement et je suis sûre que ce n’était pas la première fois.  Je suis complice tous les jours d’un homme violent. Complice tous les jours de la violence gratuite. Complice tous les jours de la violence autoritaire. Je suis lâche et complice. Que j’aille me construire avec ça.

 

GDM

 

complice

 

Illustration par Fanny