Avant, le dire à mes ami-e-s, c’était naturel, j’avais jamais eu l’impression que j’avais besoin de me cacher, parce qu’il n’y avait pas à avoir honte de quoi ce que ce soit. Puis, je l’ai dit à ma mère, à 16 ans, après avoir rencontré une fille qui avait vraiment tout changé. C’était une passion de ouf (de mon côté en tout cas) et j’étais dingue d’elle. Enfin bon, j’l’ai dit. Et là, j’ai vu la déception, l’espoir que je change, l’impression que je ne me « maîtrisais » pas. Déjà que la déception c’est un peu le sentiment qui caractérise ma mère par rapport à moi, là c’était son apogée, de mon point de vue. J’ai commencé à tout saboter, mes autres relations, faire une tentative de suicide (vraiment merdique), j’ai commencé à craquer, totalement craquer. J’ai jeté mon dévolu sur un « ami » qui était inaccessible, mais j’me disais inconsciemment qu’il allait combler les attentes de ma mère. Il m’a violée. J’avais 17 ans. C’est le soir où j’ai eu le plus peur de ma vie. J’ai commencé une relation avec lui, en me disant que c’était de ma faute, ce qu’il s’était passé, que « ça m’avait rendue hétéro » (= bonne chose dans ma tête à l’époque). J’étais complètement bousillée. Je suis restée quelques années avec lui. Pendant ce temps, je suis partie de chez mes parents, j’ai pu prendre un peu d’espace pour penser, m’instruire, me retourner la tête, comprendre où j’en étais, comprendre que je souffrais de ma propre lesbophobie intériorisée. J’ai largué ce mec, il m’a agressée à nouveau. Aujourd’hui, j’arrive parfois à sortir du placard auprès de mes ami-e-s proches, de mon frère… Je suis dans des assos LGBTI et féministes, mais je suis totalement incapable d’aller vers une fille. Paralysée par la peur, trop d’agressions contre mon corps, contre ma personne et contre notre communauté. Je n’arrive pas à m’ouvrir. Il me faudra du temps pour aller porter plainte. Et je crois que pour l’amour ou pour ma mère, on verra plus tard.

Z.

Illu LA GLOIRE DE MA MÈRE

Illustration par Léo