Il m’est arrivé cela dans un parc, celui adjacent à la médiathèque, quand j’étais lycéenne, j’avais 16 ans. Il m’a rejointe sur un banc (je lisais, seule), a parlé de la météo… Et paf une main sur ma cuisse. C’est bizarre mais là j’ai pas paniqué, je lui ai demandé de l’enlever. Je n’avais pas vraiment conscience d’être une femme et de ce que cela impliquait à l’époque. Je n’étais pas du clan des filles, je ne me considérais même pas comme désirable. Il l’a enlevée et j’ai pensé que, mort de honte face à son impair, il allait partir. J’avais de l’espoir tout de même… Genre je croyais qu’il estimait avoir gaffé et ne pas avoir le droit de faire ça. Alors j’ai continué à lire.
Et là, j’ai entendu un bruit inédit, jamais entendu ça avant. J’ai tourné ma tête et j’ai vu quelque chose que je n’avais jamais vu avant, ou du moins pas sous cette forme : grosse, décalottée, gonflée, suintante, la main en va-et-vient. Je l’ai insulté, me suis levée et il s’est barré en se marrant.
Signalement au comico lui-même adjacent à ce parc. Et là je blague pas : ils ont mis 15 minutes à sortir puis se sont étonnés qu’il ne soit plus là et ont dit que c’était sûrement un faux signalement de ma part. Tout le long je suis restée debout, dans l’accueil, à raconter la scène encore et encore. Répéter, répondre aux questions, reformuler, pour bien faire comprendre des choses que j’avais du mal à nommer.
J’étais mineure, vierge et je n’avais jamais regardé de porno, j’étais même pas sûre d’employer les bons mots. Derrière moi, sur les côtés, devant, il y avait beaucoup de passage. Je baissais la voix souvent, je ne voulais pas étaler ça devant la moitié de la ville. L’adulte devant moi n’a pas eu l’idée de m’emmener dans un endroit plus discret ou de me rassurer. Et très rapidement, je me suis sentie coupable, car les autres policiers ricanaient, gueulaient dans le talkie-walkie posé devant moi que je mentais probablement, qu’il n’y avait personne dans le parc. Encore une fois, cela est dû au fait qu’ils ont mis 15 minutes pour y aller alors qu’il se situait tout contre le commissariat. Je leur avais même indiqué la sortie vers laquelle l’exhibitionniste se dirigeait quand je suis partie. J’étais venue en courant car j’avais peur que ce type en veuille plus, qu’il veuille me violer. Finalement le verdict est là : ils ne me croient pas. Et je peux faire quoi pour me défendre ? Rien. Je suis invitée à partir. Alors je pars. Quelle jeune fille obéissante.
Je suis entrée effrayée et venant de subir une agression sexuelle. Je suis sortie avec un sentiment de culpabilité et aucune justice. Et toujours aussi effrayée.
Bien plus tard j’en ai parlé à une amie pour vider mon sac. Elle a hoché la tête et m’a dit “Ça ne m’étonne pas, une amie a été violée il y a 3 ans. En pleine rue. Elle est allée voir la police. Ils lui ont dit qu’ils n’avaient pas le temps d’enregistrer sa plainte car ils avaient une autre affaire en cours.”
Bienvenue dans ma petite ville adorable et pittoresque de la campagne ardéchoise.
JaiDesliens
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Illustration par Nepsie