Un soir tu t’enfuies à toute allure quand les dernières menaces tombent, et deux ans après tu te rends compte que les plaies sont toujours à vifs.
Le temps passe et n’on oublie pas, on apprend juste à vivre avec les fantômes de la violence. Il a des mots, des actions, des gestes qui peuvent renvoyer à cette douleur. Il y a le jour où tu n’oses meme plus vivre, où tous les soirs, tous les matins tu as peur. Ou quoi qu’il se passe tu sens la menace rôder autour de toi. Il y a ces bras qui te serrent fort pour te faire oublier le mal qu’ils viennent de te faire. il y a les mots doux et le miel pour adoucir ceux qui viennent de te détruire de l’intérieur. Mais rien n’y fait. J’aimerais pouvoir hurler tres fort. Je n’arrive même plus à pleurer. Ça monte puis ça ne sort pas, et je passe à autre chose. Il y a toutes ces fois où j’ai eu peur car je voyais la haine dans ses yeux. Ces soirs où j’ai cru y laisser ma vie car je ne savais pas qu’elle tournure tragique allait prendre cette nuit. Il y a ces heures interminable pendant lesquelles le supplice devient insoutenable. La gymnastique de son cerveau pour détruire le mien. Ces mêmes heures où je m’excusais, d’être moi-même, de faire des choses que je n’avais même pas faites, d’être là, et si imparfaite. Parfois j’ai voulu en finir. Souvent j’ai voulu partir. Toujours j’ai eu peur, au final. Peur de lui. Incontrôlable, ingérable, irresponsable. Je savais qu’il était capable de tout. Ses menaces n’étaient pas du vent pour moi. Ce soir en me couchant le voisin a fait tomber quelque chose sur le plafond. J’ai sursauté, et j’ai eu très peur que ça soit lui a ma porte; alors j’ai fermé à double tour cette porte blindée et surtout j’ai laissé mes clefs dessus.
Je suis changée. À jamais. Mes actions, mon comportement, plus rien n’est comme avant. Mon regard est plus dur. Mes paroles plus froides. Je ne suis plus tactile, j’ai du mal avec l’affection des autres. J’aime le silence, la solitude et le calme. Mes crises d’angoisses me tiennent compagnie.
En juillet ça fera deux ans. Deux ans qu’un soir à 4h du matin je suis rentrée dans notre appartement, en le laissant dans la rue après qu’il m’ait dit qu’il allait “m’exploser ma belle ptite gueule sur le trottoir comme une chienne”. Deux ans que j’aurais survécu à l’affreux été qui a suivi. Deux ans que j’aurai porté deux plaintes et trois mains courantes. Deux ans que j’aurais assumé devant ma famille la triste réalité de mon quotidien. Deux ans que j’aurais appris que ce n’était pas de l’amour.
Aujourd’hui ça fait huit mois qu’il y a une personne formidable qui me serre dans ses bras après chacun de mes cauchemars. Huit mois qu’un homme apprend à composer avec mes crises d’angoisses, mes peurs irrationnelles, mes sautes d’humeur incontrôlables et mon silence glacial des jours de pluies.
Le temps à beau passer, je n’oublie rien. Pire, ma mémoire réussit même à faire surgir certains faits qui étaient presque passés sous silence. Alors la colère remonte, encore plus forte. Et je me demande comment j’ai fait. Mais la peur, toujours la peur.
Pourtant des idées j’en avais. J’ai mis en place des stratégies pour partir du jour au lendemain sans lui laisser aucune chance de me retrouver. Chacun de mes plans est tombé à l’eau. Le premier, il a fouillé mon pc et a trouvé les pages de réservations d’avions. Puis le jour où je me décidais enfin à me faire un sac et partir en allant au travail, il a décidé de ne plus travailler. Grand hasard ou pas, je n’en sais rien. Il flairais tous mes coups en avance. Il anticipait toutes mes actions. Lorsque il me sentait partir, il m’expliquait alors comment il me retrouverai et me tuerai sans laisser de preuve. Son scénario était parfait. Il avait pensé à tout. C’était immonde…
J’aimerais être débarrassé. Me sentir libre. Vraiment. j’aimerais ne plus le voir toutes les nuits dans mes cauchemars. Ne plus rien ressentir. Un jour je n’aurai plus peur, je n’aurai plus rien a son égard, car avoir de la haine, ça épuise. Et je suis fatiguée.
B.
Ce texte fait écho à ceux-ci : Possession et Je te vomis.

Illustration par Jess Ifer
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Courage… je te souhaite de pouvoir avancer sereinement, un jour.
[…] Ces textes font écho à ceux-ci : possession, je te vomis, mais la peur toujours la peur. […]