Une salle lugubre, un tarif affiché au mur qui me semble des plus exagérés compte tenu des conditions du vieil appartement dans lequel je suis reçue.

J’ai 18 ans. C’est ma première visite chez un gynécologue. L’angoisse est bien palpable. Mais je me rassure, je me dis que le tarif doit représenter la qualité des soins et les compétences du médecin. J’étais naïve.

J’avais choisi une femme, je n’étais pour ainsi dire pas prête à montrer mon corps à un homme. Je m’étais dit que la douceur féminine n’était pas qu’une légende et qu’elle-même, dotée d’un vagin, saurait mieux que quiconque comment manipuler la chose. J’étais doublement naïve.

Sans un regard ou même une attitude positive pour me mettre à l’aise, je me vois signifier l’espèce de banc… au milieu de la pièce, comme un trône… ouvert sur la porte qui donnait directement dans le couloir.

Les jambes en l’air, tout le long, ma crainte était que quelqu’un.e ouvre la porte, se trompe d’étage et se retrouve nez à nez avec ma jolie fleur.

J’ai tenté de me détendre. Et puis là, comme par surprise, je sens quelque chose de froid, de métallique, entrer en moi. L’impression qu’on entre dans votre intimité, sans y avoir été invité.e. Et la douleur ! J’ai gémi. La réponse a été immédiate : il faut vous détendre ! Comme on engueule une enfant. Mon corps ne m’appartenait plus, une main sur ma jambe, la gynécologue exerçait une sorte de pression pour faire entrer l’engin.

Quand il a fallu écarter l’outil, c’était pire. J’avais l’impression que mon corps allait se fendre en deux. Je me suis mise en mode off. J’ai fermé les yeux et pendant un moment je suis comme sortie de mon corps.

Je n’y suis pas retournée pendant des mois. Et puis je suis tombée enceinte, il a fallu avorter. J’ai choisi une clinique et j’ai rencontré un gynécologue, un vrai. Je n’avais pas idée que l’examen pouvait être – pas forcément agréable – mais pas désagréable. J’ai ressenti la douceur de l’être, son empathie à mon égard, son regard qui ne jugeait pas. Je me suis réconciliée avec la profession et j’ai mis mes a priori sur les médecins hommes/femmes à la poubelle.

Seulement, je garde des séquelles. J’ai changé de ville et je n’ai pas consulté de gyneco depuis des années. La peur de retomber sur quelqu’un.e de maladroit.e, sans considération pour mon intimité.

R.

Illu LA PREMIERE FOIS - BD

Illustration par Flore Balthazar

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