Dimanche 18 avril – Contre Manifestation “Pro-vie”.
Tu savais qu’il y avait encore de manifestations pro-vie de nos jours ? Des gens qui sont contre l’avortement et contre l’euthanasie ? Oui ?! Putain, je suis tellement naïve ! Je pensais que c’était un mouvement que les français se tapaient mais qu’ici, en Belgique, on était progressistes, que les délires de manif pour tous sauf pour les homosexuels, ce n’était plus notre problème ! Je suis trop conne et je me suis pris une belle claque !
Dimanche passé, je me chauffe avec une pote pour aller à une manif pro-choix, tu vois les manifs ou tu cries « un enfant si je veux, quand je veux et avec qui je veux ! », les slogans de mai 68, que nos grand-mères criaient déjà. Et bien, ces slogans sont encore chantés aujourd’hui. C’est juste hallucinant ! Comment accepter que l’avortement soit un droit à chaque fois remis en question, pourquoi ce n’est pas un acquis ?! Encore combien de femmes vont devoir se coltiner ce débat, on aimerait bien pouvoir se concentrer sur d’autres combats maintenant !
Voici un aperçu de ce moment, où t’es venue manifester pacifiquement au mont des arts, il fait beau, t’as même écrit des slogans sur ton corps pour qu’ils soient bien visible, un petit “lâche- moi le clito” sur les bras, et hop c’est parti ! Et puis là tu vois des ballons blancs au loin… attends, le blanc c’est pour quoi ? La pureté de l’embryon ? Oh mon dieu, ils sont loin… et puis tu te rapproches, et tu vois pleins d’enfants, ils sont tout beaux tout bien peignés et une petite pancarte à la main avec la photo d’un gosse de deux ans qui te sourit avec écrit “vie”. Là tu regardes ta pote : ils pensent vraiment que l’avortement c’est tuer des enfants de deux ans ou bien ils font semblant ? Haha, tu te marres un petit coup et tu commence à lâcher les slogans : “machos, cathos, lâchez-nous le clito !” La tension monte un peu, des manifestants bouchent les oreilles de leurs enfants, les policiers arrivent, une tentative de garder notre banderole faite avec amour est avortée (haha), les policiers sont en surnombre.
D’un coup, on se retrouve encerclées par deux rangées de flics et embarquées les mains de le dos, comme des criminelles, dans les camionnettes bleues et blanches. Là, ce n’est plus fun, tu te fais traiter d’assassine qui n’aura jamais d’enfants et tu ne peux pas faire grand chose avec le flic qui ne te lâche pas le bras. Et c’est frustrant des les laisser parader avec leurs mensonges, leurs pancartes avec des photos d’embryons jusqu’à vingt semaines alors dans la loi c’est autorisé que jusqu’à douze semaines. Et puis merde, c’est qui ces gens avec leurs ballons blancs à la con pour me parler de meurtres alors que leurs mains sont couvertes du sang des femmes qui meurent en essayant d’avorter clandestinement. Oui, ça devient clairement tendu, parce que même si il faisait beau, les gens qui veulent abolir le droit à l’avortement tuent des milliers de femmes tous les ans en les forçant à s’enfoncer des aiguilles à tricoter ou un cintre bien profond pour s’arracher l’embryon de l’utérus. Oui, ça fait bof envie.
Et puis bon les manifs à ballons blancs, c’est la partie visible de l’iceberg, parce dans le registre du droit des femmes à disposer de leur corps on est encore loiiin. Tous les jours, je tombe sur des articles et des vidéos qui montrent : hop, le refus des pharmaciens à délivrer la pilule du lendemain à des filles mineures, hop, des femmes agressées à l’entrée des planning familiaux, hop, le viol c’est pas si grave si elle était en jupe, hop hop hop hophophophop… Vomis. Tu aimerais, sauf que là t’es dans la propriété de la police et ils seraient pas hyper contents que tu salopes leur bolide. Donc tu te retiens parce qu’en plus, tu n’as pas mangé avant de venir et que douze heures en cellule, c’est long. Ce qui est chouette quand tu te fais arrêter avec tes potes, c’est que tu commence à détourner des slogans, et que “machos, cathos léchez nous le clitos” ça met les flics mal à l’aise. Ce qui est moins chouette, c’est qu’on peut se faire fouiller que par des flics meufs et qu’elles sont en sous-effectifs, donc on se les gèle pendant trois heures, mais bon c’est de leur faute aussi, à ne pas respecter un minimum de parité ! Arrive le grand moment de l’ennui profond, où tu as le choix entre débattre avec ta pote ou avec le flic, le choix est moins évident qu’il n’y paraît, mais les aventureuses se retrouvent déçues. Le flic de base qui essaye de se rassurer en te racontant que “oui oui j’ai des opinions quand j’enlève mon uniforme”, n’est pas très rassurant.
Lucie Allo