Après une soirée sympathique chez des ami-e-s, nous décidons, deux potes (une fille et un mec) et moi de sortir en ville pour continuer la soirée.

Nous voilà sur la route. Ma pote et moi, toutes contentes, nous chantons à tue-tête Laisse Béton de notre cher Renaud. Il est 4h du matin, il fait nuit et froid, les rues de Nantes sont relativement désertes. D’un pas alerte et guilleret, nous sommes enthousiastes à l’idée d’aller danser !

Nous croisons deux hommes, ils sont sur le trottoir opposé,”bien mis”, “bien comme il faut”, entre 25 et 30 ans. Captivées par notre chanson, nous ne faisons absolument pas attention à eux.
Ceci dit, eux nous remarquent et l’un d’entre eux insulte mon amie en lui sortant ces douces paroles : “SALE PUTE !”.

Elle est en jupe, elle est jolie, elle est désirable mais elle ne les calcule pas, alors pour ces mâles c’est condamnable et ils s’autorisent à lui parler et à l’insulter de la sorte.

Outrée, je cours vers eux et leur demande de m’expliquer ce qui vaut une étiquette pareille à mon amie, et leur cite quelques dires de Simone de Beauvoir, en me moquant d’eux : “Hey ! T’as pas lu Simone de Beauvoir pour considérer la gente féminine de la sorte toi! Tu devrais, ça te ferait du bien !”.

Je pense que ces jeunes hommes n’aiment pas beaucoup la littérature, puisque ma réponse m’a valu “un gnon”. Je n’ai rien compris à ce qu’il se passait, je me suis retrouvée par terre, je me suis relevée et en échange lui ai filé une “torgnole”. Et allez hop, il m’en redonne une, me voilà par terre à nouveau, assommée.

Je suis dans le caniveau, rouée de coups de pieds dans le ventre, je n’arrive plus à respirer, je pleure. L’autre mec s’en prend à mon amie. Elle est à terre aussi, elle arrive à se relever péniblement, elle-même complètement sonnée. Elle vient vers moi pour me relever. Les deux types sont déjà partis en laissant sur place un bonnet de Père Noël. Je gueule “Connard !” pour la forme et brûle leur bonnet avec mon briquet.

Avec ma pote on se traîne dans un bar mais les gen-tes font la fête, illes ont l’esprit ailleurs.
Je me sens incomprise dans cette ambiance festive et alcoolisée. On nous écoute à peine. Pourtant je voudrais qu’on fasse attention à nous, qu’on comprenne la gravité de ce qu’on vient de vivre, qu’on nous écoute, que les réactions soient à la hauteur de ce qu’il vient de se passer.

Parce que pourtant c’est grave et c’est important, deux filles qui se font casser la gueule car l’une est en jupe et que l’autre prend sa défense.

Mon soit disant “pote”, lui, n’a rien fait pour nous aider.

Et eux, est-ce qu’ils ont repensé à ce qu’ils ont fait ? Est ce qu’ils ont repensé à nous ?

À peine deux jours plus tard, j’apprends que je suis enceinte et je passe mon permis avec un cocard à l’oeil droit.

 

Gabrielle

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Illustration par Myroie