J’ai voulu écrire sur les violences sexistes. Je me suis dit : « il y a plein de trucs à dire, j’ai plein d’anecdotes à raconter. Laquelle choisir ? » J’ai ouvert le logiciel, la page blanche s’est affichée, et je ne sais pas pourquoi, c’est un souvenir que j’avais enfoui qui est remonté. Plus j’écrivais, plus je l’analysais, plus je le pensais autrement, plus je le comprenais. Plus je comprenais que je n’avais pas des « anecdotes », j’avais une histoire, une vraie histoire de violences qui a duré deux ans pendant lesquelles j’ai été persuadée d’avoir été coupable de tout, de n’avoir pas su dire non, d’avoir entretenu une relation. Cinq ans après, j’ai mis des mots. J’ai écrit Coupable.
Écrire pour Polyvalence m’a permis de comprendre que, coupable, je ne l’étais pas tant que ça, j’ai compris que le patriarcat était une chose si insidieuse que je ne l’avais même pas vu me détruire. Qu’aux yeux des autres et de moi-même, il me rendait coupable. Suite à l’envoi de ce texte, que je n’ai jamais été capable de relire, je suis devenue enragée. J’ai milité de partout, je suis devenue la féministe en colère, agressive, moi qui, quelques années plus tôt, avait affirmé que les féministes étaient bien trop agressives pour qu’on les prenne au sérieux. Je me suis levée contre les blagues sexistes, les réactions grasses et la misogynie. J’ai trouvé des allié·e·s et je n’ai plus arrêté de me battre.
Il m’a fallu encore plusieurs années avant de pouvoir parler de vive voix de cette histoire à une personne de confiance, la culpabilité était toujours un peu présente, un peu collante et me faisait toujours me sentir un peu sale. Ce qui m’aide aujourd’hui à me débarrasser de cette crasse, c’est la lecture régulière des témoignages, des réflexions, des levées de boucliers aussi, d’autres personnes moins fatiguées que moi. Et si mon témoignage a pu aider une autre femme à réaliser qu’elle n’était coupable de rien face à un homme qui lui faisait du mal, alors il n’aura pas libéré que moi. J’ai toujours aimé faire d’une pierre deux coups.
J’ai continué et je continuerai à écrire pour Polyvalence, parce que ça soulage, parce qu’on se sent moins seul·e, parce qu’on se sent entendu·e, entouré·e. Parce que ça lave la crasse.
Nymphe
Ce texte renvoie à Coupable, écrit cinq ans plus tôt.
Illustration par Anna R.