Il n’a pas écouté le « non ».

Longtemps, je n’ai gardé comme souvenir que ce cri, ce « NON ! » ; j’ai oublié les premiers « non » que j’avais prononcés, les cinq ou six qui auraient pu effacer le seul et pathétique et faible et misérable « oui ». J’ai gardé comme trace de ce jour la douleur. Il n’a pas écouté.

Je n’ai pas su lire ce que ce manque d’écoute signifiait ; j’ai cru avoir compris d’où venait la faute (moi-même), compris que je devrais désormais me taire, puisque cette parole n’avait aucune valeur. Et puis à le raconter en rigolant (distance, survie), quelle crédibilité ?
Longtemps, je n’ai gardé comme souvenir de ces six mois que cette heure, ce sang, cette douleur. Cette sensation de nausée, indissociable du reste. Longtemps, le besoin de prendre plusieurs douches brûlantes pour effacer (quand j’y pense).

La première fois que j’en ai parlé à un homme, c’était à un psychologue qui me recevait depuis quelques mois déjà. J’ai raconté, les larmes, les paniques, les réflexes que le corps garde, la mémoire des gestes. J’ai raconté en pleurant comme je n’ai jamais pleuré depuis. Je n’avais pas de mot pour qualifier des sentiments, simplement une vague sensation d’être sale, simplement cette vague envie de crever, de me laisser moi-même au bord d’une route, que le monde continue son chemin. Il m’a répondu : « Vous n’avez pas été violée. Aucune première fois ne se passe bien. Vous allez vous en remettre. » Enterrée que j’étais, il a incendié ma tombe avant de danser dessus.

Je suis restée infiniment longtemps avec cette sensation de sale. Je n’ai commencé à m’en défaire qu’avec de la théorie féministe. Comprenant que l’agression sexuelle, ce n’est pas juste l’inconnu, la nuit, le parking. Parfois un ami, parfois un conjoint. Souvent des proches, en fait. J’ai lu King Kong Théorie et j’ai compris tout ce système qui nous étreint, qui nous tue (tous). J’ai compris qu’une expérience si individuelle, si personnelle, si intime, était le reflet, le symptôme d’une société qui ne cherche plus à grandir.

J’ai appris à ne plus culpabiliser, à me répéter « Ce n’était pas ma faute ».

 

 Placardobalais

 

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le consentement

 

<non> 2013 !pyon!