Je fais partie des féministes 2.0. Pas que, parce que j’ai aussi une vie militante IRL mais une partie de ma vie militante se déroule sur Internet, notamment les réseaux sociaux.
J’ai commencé IRL, puis sur Internet, avec Facebook. J’ai rapidement fait des connaissances, j’y ai appris un monceau de savoir auquel j’aurais jamais eu accès autrement, je pense. Pour ça, je vais pas cracher sur ce féminisme. Je trouve qu’il a un côté hyper positif que jamais je ne dénigrerai. Mais aujourd’hui, je veux parler du côté obscur de la force, en ce 4 mai, je crois que c’est important ! Je me suis vite intégrée à une bande de féministes inclusif.ve.s. Par « inclusif », on entend prendre en compte le fait que des personnes peuvent subir d’autres oppressions que le sexisme (comme le racisme, l’homophobie, la transphobie, la putophobie…). J’ai l’impression d’avoir passé six mois de ma vie à taper virtuellement sur quiconque n’était pas assez inclusif. Le schéma est toujours plus ou moins le même, je vous le détaille ci-dessous :
Recette pour être un.e féministe safe et déconstruite :
Vous aurez besoin :
– d’une victime (préférablement féministe)
– de quelques membres de votre bande, pouvant se relayer (environ six)
– d’un réseau social
– de temps (environ deux heures, parfois toute une soirée)
1 – Trouvez une personne qui pose une question ou parle d’un projet sur lequel elle travaille.
2 – Lisez et relisez avec minutie absolument tout ce qu’elle écrit, rien ne doit vous échapper.
3 – Trouvez une faille, quelque chose qui ne conviendrait pas à votre ligne du féminisme. Quelque chose de « pas safe ».
4 – Faites-le lui remarquer d’une façon insultante ou abusive.
5 – Si cette personne s’énerve et décide de ne pas vous laisser lui parler comme vous le souhaitez, dégainez votre pass “je suis concerné.e”. Lae premier.e qui dégaine à gagné !
6 – Vous avez maintenant carte blanche pour faire subir à cette personne toutes les violences virtuelles, harcèlement, insultes, dénigrement, sabotage de son travail, etc.
J’ai appliqué cette recette plusieurs fois. Je la vois toujours appliquée aujourd’hui, mais moins, car quoi qu’on en dise, le nombre de personnes qui utilise cette méthode est relativement limité et j’en ai bloqué la plupart, pour me protéger, après avoir quitté la bande.
Ce qui est étrange c’est qu’aujourd’hui, plus d’un an après, je reprends contact avec des gens chez qui, à l’époque je n’avais rien laissé passer. Je reparle à des gens à qui j’ai dit des horreurs parce qu’ils avaient oublié de féminiser un adjectif ou utilisé une insulte “sexiste”.
Ce témoignage c’est pas un mea culpa, une demande de rédemption ou une façon de cracher sur le féminisme virtuel. C’est juste un moment de ma vie et je voulais l’écrire parce que je sais que ça arrive à pleins de gens qui ne comprennent pas ce qui leur tombe dessus.
J’ai pas envie de dire aux gens qu’ils faut être gentils les uns avec les autres, qu’il faut pas se disputer, mais j’ai envie de dire qu’il faut se respecter dans nos luttes. Et si vous avez un.e pote qui commence à partir en vrille et à avoir ce genre de comportement, parlez-lui en privé, faites-lui lire ce témoignage peut-être.
Je dis pas que ça lae fera arrêter, mais peut être qu’iel en reviendra et ça sera bien mieux pour tout le monde !
Mäsha Bombed

Dessin : à gauche de l’image un visage de femme jaune avec de très longs cheveux verts qui s’étendent jusqu’à la droite de la feuille. De sa bouche sort un buste de femme aux longs cheveux bleu-gris qui tend la main gauche dans les airs et la droite qui semble tenir un membre brisé que touche aussi une main venant du bas de l’image. Les doigts et poignets sont barrés de rouge. Tout autour des cheveux, des lignes noires croisées dans tous les sens.
Illustration par Alraun
https://www.facebook.com/alraunillustrations
Merci pour ce témoignage, malheureusement je pense que c’est une dérive qui guette tous les types de militants. Moi-même, j’ai dû prendre du recul à un moment parce que je sentais que je commençais à déraper. C’est pas facile de rester mesuré quand c’est une cause qui nous tient à coeur. A nous d’être vigilants.
[…] et est écrit par Mäsha BOMBED. A retrouver en version originale ICI. Je l’ai trouvé particulièrement parlant pour avoir vécu personnellement cette expérience […]