Lettre à  un monstre

Tu m’as tirée du nid, un nid douillet, éloigné de la réalité, un nid où violence, obscénité et douleur n’existent pas, tu m’as trouvée fraîche, innocente et vierge.

Tu m’impressionnais, tu connaissais tout de la vie extérieure, une vie qui me donnait envie, tu as promis que tu serais toujours là, que j’étais la seule à tes yeux et dans ton cœur, je ne connaissais pas le mot méfiance, je t’ai tout donné, aveuglement, je t’ai aimé comme plus jamais je n’ai aimé.

J’étais encore une enfant dans un corps à peine adulte, tu aimais ça, je t’ai tout donné, secrètement, caché, notre histoire était interdite dans ce nid surprotégé.

Tu étais fier, tu paradais, tu faisais le paon à mes côtés dans ta jungle, je pensais que tu étais fier de moi, mais tu étais fier de toi, je n’étais que ton trophée de guerre mais ça je ne l’ai compris que trop tard.

Je ne connaissais rien à la vie, ce que tu me disais, ce que tu me faisais, je pensais que c’était ça la vie. Tu m’as fait mal, je pensais que c’était ça la vie. Tu m’as dit que finalement je n’étais rien, que je ne savais rien, que je ne t’intéressais plus, je t’aimais trop, tu m’avais promis que tu serais toujours là, tu étais le seul et l’unique, le premier.

J’ai découvert un nouveau visage de la vie, la douleur, le mépris, la souffrance…

Ce dimanche après-midi où je pensais que tu allais à nouveau m’aimer, tu m’as tout simplement cassée, brisée, détruite pour les dix prochaines années. Tu m’as violée, pendant des heures, en me disant que je ne valais rien, que tu ne m’aimais pas, que je n’étais qu’un jouet bon à baiser.

Ce jour-là, j’ai perdu l’enfant qui était en moi, j’ai perdu mon innocence, mon envie d’aimer, et mon amour-propre. Tu m’as tuée.

Pendant les dix années qui ont suivi, je me suis perdue, j’ai perdu mes rêves, j’ai perdu le respect du corps que l’on m’avait inculqué, je me suis salie, jusqu’à ne plus me supporter, je suis tombée bien trop bas à cause de toi !

Cher monstre, tu as été celui qui a construit ma base de l’amour physique, pleine de failles, mais aujourd’hui dans ma tête tu es mort, je suis en train de tout détruire pour tout reconstruire, je te souhaite la douleur, la haine et la mort.

Il aura fallu attendre dix ans pour que je retrouve en moi l’enfant innocent.

 

Lilas

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