« Soit vous revenez, soit vous mourrez. »
Voilà ce que me dit la dernière pneumologue que je vis ce jour-là en réanimation, quand je décidai de sortir contre avis médical. Elle mentait, je le savais, j’avais vu les résultats du peak flow (le boîtier de mesure du souffle), ce n’était pas fameux mais je ne risquais absolument plus ma vie.
Jusqu’à présent, j’avais toujours tenu bon lors des hospitalisations pour mes crises d’asthme. J’avais souvent supporté les traitements pénibles, les remarques déplacées ou les chantages à la mort comme celui que venait de m’adresser cette pneumologue, à croire que ça ne dérangeait pas vraiment certain.e.s soignant.e.s d’évoquer la mort imminente d’un.e patient.e qui ne se pliait pas à leur bon vouloir.
Lorsque cette pneumologue était entrée dans la chambre, elle avait pris le peak flow et m’avait dit, sans même me regarder : « c’est mauvais », comme si j’avais mal étudié ma leçon et rendu un devoir médiocre.
« Mauvais »… C’était le mot de trop.
Cela faisait vingt-huit heures que je subissais diverses remontrances. Du médecin qui était intervenu chez moi et qui m’avait sermonnée au sujet de mon appartement trop humide, à l’infirmier qui m’avait refusé l’accès aux toilettes du couloir, ma chambre d’hôpital en étant dépourvue.
Ce dernier épisode n’était pas très grave mais avait pourtant provoqué mes pleurs et ma colère. J’étais exténuée. Les doses massives de cortisone me rendaient excessivement nerveuse et mon cœur s’envolait à 130, 140, 150 battements par minute à cause des innombrables aérosols. À bout de souffle, je ne pouvais même plus tenir un verre d’eau tant je tremblais.
L’infirmier était intraitable : « Vous ferez vos besoins dans le bassin, hors de question que vous utilisiez les toilettes ». À sa suite arriva dans la chambre un médecin furieux qui me dit : « On n’est pas à l’hôtel ici, on est en réanimation, vous n’irez pas aux toilettes ! ». J’étais accablée, je ne comprenais pas pourquoi ces deux hommes étaient si agressifs alors que je réclamais juste un peu d’intimité mais j’avais oublié qu’un.e malade, ça se tait et ça obéit, l’intimité est un luxe qu’on ne peut pas se payer, à l’hôpital.
Heureusement, la situation fut vite arrangée, l’infirmier me présenta ses excuses et je finis par m’endormir après cette pénible journée. Mais le repos ne dura pas très longtemps et dès le lendemain matin, je fis la connaissance d’une affreuse kinésithérapeute qui se montra très insistante sur ma santé déplorable, me dit que je ne pourrai jamais vivre comme tout le monde et que je ne pourrai jamais voyager car je risquais de mourir. Comme s’il était facile d’entendre ce genre de choses.
Lors des exercices respiratoires, j’osai tousser, malheur ! Elle se mit alors en colère : « Ne toussez pas, vous provoquez vous-même vos crises d’asthme, c’est n’importe quoi ». Puis, sans gêne aucune, elle me dit, juste avant de partir : « Vous savez, il y a des gens qui aiment être à l’hôpital, réfléchissez à ça ». J’étais révoltée, enragée ! J’aurais voulu lui courir après pour l’assommer avec le pied à perfusion. Comment osait-elle me dire ça alors que j’étais en réanimation, elle avait pourtant bien vu mon état, comment pouvait-elle sous-entendre qu’il s’agissait d’un caprice, d’un passe-temps ? Aujourd’hui encore, je ne décolère pas.
Et c’est après cette atroce kiné que vint la fameuse pneumologue et son « c’est mauvais ».
Alors je décidai de partir contre avis médical, son stupide chantage à la mort ne fonctionnerait pas, c’était fini. Je quittai l’hôpital en mauvais état, des tremblements toujours incontrôlables et les poignets violets à causes des prises de sang dans les artères. J’avais le souffle court mais j’étais libre !
C’était ma quatrième hospitalisation, je savais bien que ce n’était jamais une partie de plaisir mais c’était la première fois que je tombais sur des soignant.e.s d’une telle agressivité et d’un tel cynisme, jamais je n’avais vu ça. J’étais dépitée et un peu traumatisée.
Depuis, je me suis retrouvée une fois en déchocage (traitement d’urgence) mais j’ai refusé l’hospitalisation et je suis sortie contre avis médical. Ma phobie des hôpitaux bien ancrée, je préfère l’automédication.
Je m’en veux un peu d’écrire tout ceci car j’ai l’impression de cracher dans la soupe, la plupart des soignant.e.s font parfaitement leur travail, dans des conditions souvent difficiles. Pourtant, cinq ans après, je ne me remets toujours pas de ce passage en réanimation.
Aujourd’hui, j’évite d’aborder mes problèmes d’asthme avec les médecins que je ne connais pas. J’essaie de vivre sereinement avec cette maladie, loin des hôpitaux.
Maïlys
Illustration par Maïlys