Il y a les soirs où ça va, et puis il y a ceux du chagrin écarlate.



Tu le laisses serpenter le long de ta peau. Les cris s’écrasent, se tassent, finissent par suinter. Tu veux le balancer loin de toi, ce chagrin qui noie la raison. T’as envie de l’envoyer se faire voir. De lui balancer ton poing en pleine gueule. De le laisser, terrassé et à demi-mort, dans la baignoire.



Sauf qu’il ne s’en va jamais tout à fait. Tu n’as pas de répit. Il a besoin de se nourrir. Tu te rassures, en te persuadant que c’est toi qui lui fais une faveur. Mais il revient. De plus en plus souvent. Jusqu’à être constamment à tes côtés. Il s’installe en toi. Dépose sa morsure sur toi. Débats-toi, griffe, chiale. Il s’abreuvera. C’est de ta faute, tu lui as ouvert la porte.



Tu te mets à supplier. Tu gémis. Tu refourgues ta férocité au placard. Tu lui implores quelques heures. Ne plus le voir strier ton corps. Frotte pour qu’il s’en aille. Disparais ordure. Il s’infiltre partout. Tu perds pied. Tes entrailles rongées par la terreur. Tu essayes de lui échapper. Tu feintes. Il s’en rend compte. Tu payeras au centuple. De plus en plus impérieux, de plus en plus empressé. Il se presse contre tes cuisses, y exhale son souffle putride. Il doit boire. Il s’assoiffe.



L’Écarlate t’entraîne au fond du gouffre. Il te chope au détour d’une rue, d’une odeur, d’une pensée, pour te faire passer l’envie de recommencer. Jamais tu ne pourras t’y soustraire. Abdique. Arrête de lutter. Tu plies. Tu t’oublies. Tu lui donnes ce qu’il veut. En pleurant. Parce que tu ne sais plus faire autrement.



Et le chagrin rougeâtre continue de couler.





-H

Illustration par Léo.

Illustration par Léo.