Je suis une jeune étudiante de 17 ans. Raconter mon histoire va me soulager, cela pourra peut-être – et j’espère bien – encourager d’autres jeunes femmes à témoigner sur cette maladie, pour qu’elle puisse être un peu mieux connue et reconnue…

Je témoigne aujourd’hui, en mon nom, mais également au nom de toutes les endogirls, qui subissent le même calvaire que moi, tout le temps.

J’ai eu mes premières règles à l’âge de 8 ou 9 ans, je ne me souviens plus exactement, en tout cas, j’étais au CE2. Vous imaginez, vous, mesdames, avoir vos règles à 8 ans ? Ma jeune enfance a été brisée à cet âge-là, j’étais encore une gamine bien innocente qui croyait que le Père Noël descendait dans chaque cheminée durant la nuit du 24 au 25 décembre. Mes règles étant abondantes, ma maman s’en inquiétait.

« Attendez, ma fille a 8 ans et elle a des règles hémorragiques, pouvez-vous m’expliquer ce qui se passe ? », les médecins rétorquaient seulement : « Madame, ne vous inquiétez pas, ça va passer, elle va grandir et va prendre la pilule, tout va bien aller ». J’avais 8 ans, et le cauchemar ne faisait que de commencer.

Au collège, chaque mois, c’était la même chose : vomissements, mal de ventre à se tordre, ne plus pouvoir se lever ni bouger, je perdais même connaissance quelques secondes sur le chemin pour aller aux toilettes afin de vomir le repas que j’avais mangé la veille. Car oui, chaque mois, ça se produisait la nuit. Alors chaque période menstruelle, ma maman appelait le collège pour leur dire :  « Justine ne sera pas à l’école, elle a des règles douloureuses ». Je me souviens qu’elle m’avait dispensée de sport – d’elle-même – car j’étais bien trop malade, mais j’avais tenu à aller en cours, et le professeur de sport avait dit : « Non mais, les règles ça fait mal au ventre, mais de là à dispenser sa fille, c’est n’importe quoi… » Mal au ventre ? Seulement ? L’endométriose, c’est un cauchemar éveillé au quotidien.

C’était un cauchemar, je suis allée voir les médecins, qui m’ont fait faire une prise de sang pour contrôler l’endométriose, justement. La prise de sang s’est révélée négative: ouf ! « Si la prise de sang s’est révélée négative, alors il n’y a rien, quand elle prendra la pilule ça ira mieux. »
J’attendais alors d’avoir le droit de prendre la pilule, car on n’allait pas me la prescrire à 12 ans…

L’entrée au lycée m’a fatiguée, je me suis retrouvée exténuée, je déprimais tout le temps, je pleurais tout le temps, j’avais toujours mal au ventre, mais les médecins et tout mon entourage mettaient ça sur le compte du stress. « Tu es anxieuse de nature, arrête de stresser, tout ça c’est dans la tête. » Je me disputais tout le temps avec mon ex petit ami, sans comprendre pourquoi réellement, je changeais d’humeur subitement, alors que tout allait bien, je voyais rouge ou noir. Mes douleurs me rendaient aigrie, dépressive, méchante, détestable, désagréable, et elles repoussaient beaucoup de monde, ma vie sociale en prenait un coup : mais POURQUOI ? Je ne comprenais pas, tout ce que je voyais, c’était l’incompréhension de tout le monde, de mes ami.e.s, de mon ex petit ami – qui a dû rompre à cause de nos nombreuses disputes, qui maintenant sont justifiées -, de mes parents. Je pensais devenir folle, je pensais devenir parano, je pensais clairement que j’inventais ma douleur à force qu’on me le répète. Je me tourmentais.

Puis cette année – 2015 – a été un calvaire, un début d’année chaotique comme du jamais vu. Une nuit, j’ai eu une douleur au rein gauche, horrible. Je suis allée aux urgences, ils m’ont dit  : « Mais non, c’est rien, arrêtez de pleurer, vous ne pouvez pas souffrir comme un.e malade qui s’est cassé la colonne vertébrale. Vous attrapez juste une grippe et donc vous êtes courbaturée, ce n’est pas réellement le rein », alors là j’ai explosé, que vouliez-vous que je lui réponde ? Encore une personne à ajouter dans la liste de l’incompréhension. Je suis rentrée chez moi et je ne suis plus ressortie pendant deux mois. Pourquoi ? Parce que les douleurs se répétaient, j’étais incapable de faire deux pas sans tomber de douleur. Je ne dormais plus. Je ne mangeais plus. Je ne voyais plus mes ami.e.s. Ma famille me tournait le dos. Bref, j’étais dans une impasse noire. Les médecins, tou.te.s, disaient :  « C’est rien, ça va aller, c’est dans la tête ».

Le service médical m’a fait faire des analyses et tout ce qui s’en suit, pour me dire : « Vous avez une ressemblance de tumeur du rein », avant de me rappeler plus tard pour me dire  : « Non, c’était une erreur médicale ». Bon sang de bonsoir, à quoi jouent les médecins ? Ils/elles jouent sans cesse avec la vie des patient.e.s.

À l’hôpital, je pleurais, je souffrais le martyre, et PERSONNE ne souhaitait me donner d’antidouleur, non, les infirmier.e.s préféraient boire le café.
J’ai tenté une dernière fois d’aller voir mon médecin traitant, qui m’a pris rendez-vous chez des spécialistes : gastro-entérologue, gynécologue, et tout ce qui s’ensuit. J’étais soulagée, jusqu’à ce qu’il me dise : « Je suis sceptique, mais on aura tout essayé, si rien s’ensuit, c’est que c’est le stress, c’est dans la tête, dans le cerveau », alors je suis sortie, en le remerciant d’une voix sèche.

Je suis allée voir le gynécologue, et – ouf – il est magique. « Madame, vous souffrez réellement, je souhaite vous revoir la semaine prochaine, pour faire des échographies et examens plus approfondis », je suis ressortie de ce lieu, en pleurant. Pleurant de joie parce qu’on m’avait prise sous des ailes, parce qu’on m’avait ENFIN crue.

La semaine suivante, je me rends au rendez-vous, on fait l’échographie et là… Le verdict tombe : « Vous êtes atteinte d’endométriose, connaissez-vous cette maladie ? ». Oui, la même pour laquelle on m’avait fait faire des prises de sang il y a plus de 8 ans en arrière ? Permettez-moi de vous dire que j’étais rongée de douleur, de colère, mais également de bonheur. La colère étant pour les autres médecins, qui m’ont négligée tout le long de ce long combat.

On m’a diagnostiquée à 17 ans, soit neuf ans après mes premières règles…

Alors oui, avoir de l’endométriose c’est vivre un calvaire tous les jours, c’est se coucher sans savoir si le lendemain on pourra se relever.
L’endométriose c’est : avoir des douleurs dans le ventre, des crampes, à s’en taper la tête dans les murs, contre des tables.
L’endométriose c’est : ne pas tenir debout plus de dix minutes.
L’endométriose c’est : risquer d’être infectée au niveau d’autres organes (vessie, poumons, intestin, rein).
L’endométriose c’est : avoir des douleurs horribles durant les rapports.
L’endométriose c’est : s’engueuler tout le temps avec les gens qu’on aime, sans le vouloir.
L’endométriose ça joue physiquement mais aussi moralement, contre notre gré.
L’endométriose c’est : l’incompréhension de beaucoup de monde, qui met ça sur le compte du stress ou de la tête.
L’endométriose c’est : l’infertilité, ne jamais pouvoir avoir d’enfants.
L’endométriose c’est : combattre, chaque jour, pour pouvoir survivre.
L’endométriose c’est : le cancer qui ne tue pas.
L’endométriose, un vrai cauchemar éveillé au quotidien.

Cette maladie ne devrait pas être diagnostiquée trop tardivement car plus d’une femme sur dix en est atteinte et ne pourra jamais avoir d’enfant ni travailler à cause des douleurs. Mais cette maladie n’est que très peu connue et les étudiant.e.s en médecine l’étudient seulement un peu.
Cette maladie, ne devrait pas être prise à la rigolade. Elle est dure à vivre, psychologiquement, physiquement : que ce soit pour l’endogirl, ou son entourage.

Je souhaite bien du courage aux endogirls qui, comme moi, vivent un calvaire, une situation pénible qui ne guérira jamais. Et je souhaite bien du courage à leurs proches qui, comme les miens, souffrent de cette maladie à travers nous.
Je souhaite également dire, qu’il existe un ruban jaune, tout comme un ruban rose pour le cancer, un ruban rouge pour le SIDA, c’est le ruban jaune pour l’endométriose. Alors, avec lui, faites parler la maladie, aidez cette maladie à être connue au grand jour. Merci.

JuwhB, endogirl, diagnostiquée endométriose stade aggravé.

Dessin : un cadre de traits noirs entoure une personne. Dans le coin d’une pièce, elle pleure en se tenant la tête et au mur. Elle semble avoir mal. Une croix noire lui barre le bas ventre. Du sang s’écoule d’entre ses jambes et forme une marre à ses pieds.

Illustration par Bertille