À 14 ans, c’était la première fois qu’un garçon s’intéressait à moi. Je l’ai remarqué dès la rentrée des classes, il était nouveau. Il avait des cheveux noirs, la peau pleine de taches de rousseur et les yeux couleur ambre avec de longs cils. Nous l’appellerons Jonathan.

Sa mère et mon père travaillaient au sein de la même entreprise, j’y ai vu un signe.

Au fil du temps, Jonathan et moi nous nous rapprochâmes. On était assis l’un à côté de l’autre en cours d’Histoire, il me faisait rire.

Un jour, il me demanda si je pouvais venir l’aider pour les exercices de Français. J’étais contente car il avait remarqué que j’étais plutôt bonne dans cette matière. J’en ressenti une fierté naïve.

J’ai demandé à mes parents si je pouvais me rendre chez lui pour l’aider. Mon père n’y vit pas d’inconvénient, d’autant plus qu’il travaillait avec sa mère. Ma mère, moins permissive, nous accorda une heure seulement, de 14h à 15h, le mercredi après-midi. Elle m’y accompagnerait et reviendrait me chercher. J’étais aux anges. Je vis en cet acte un moyen de nous rapprocher un peu plus. Le mercredi matin, au collège, toute la classe était au courant, je rougis de savoir tout le monde au courant de mon béguin. On me charriait, je piquais du nez dans mes cahiers.

Après manger, je courus dans ma chambre me préparer. J’avais l’habitude de cacher mon corps sous d’informes salopettes et mon visage par de longues mèches de cheveux qui me venaient dans les yeux.

J’attrapai donc ma brosse et tirai ma chevelure en arrière que je nouais en haute queue de cheval à l’aide d’un ruban rouge. Je me fis coquette, je portais une longue et ample jupe noire, car je n’étais pas assez à l’aise avec mon corps maigre de jeune adolescente, mais je mis un pull que j’aimais beaucoup car il laissait découvrir le haut des épaules. Ma sœur m’avait offert pour mes 14 ans mon premier maquillage. C’était un mascara noir et un poudrier avec sa houppette à manche beige, pour moi l’occasion était suffisante pour l’étrenner.

Ma mère m’emmena, je lui défendis de m’accompagner jusqu’à la porte de l’appartement, j’avais peur de faire bébé. Elle aurait peut-être dû… J’aurais dû la laisser venir avec moi…

Quand j’ouvris la porte, ce n’était pas un garçon qui m’attendait mais quatre, ivres. Ils se firent des sourires entendus et, comme je ne voulais pas passer pour la rabat-joie de service, je souris également et m’assis avec eux sur le canapé. Mais à ce moment-là, un des garçons m’attrapa et m’assit sur ses genoux. Je ne dis rien. J’étais très tendue. Quand je sentis sa main me caresser la cuisse, je me levai, stressée, mais un autre m’agrippa les hanches et m’assit de force sur ses genoux également, je n’osais plus bouger. Il faisait des remarques grivoises. J’essayais de parler de l’appartement, Jonathan prit le parti de me le faire visiter. J’opinai, ça me débarrasserait de cette bande. Mais elle suivit. Devant la chambre de la petite sœur, l’un d’entre eux me poussa violemment et s’allongea sur moi à même sol de la chambre. C’était une moquette rose, tout était étonnamment rose. Il y avait des arcs-en-ciel sur les murs et des autocollants papillons sur le lit. C’est ce qui me choqua le plus compte tenu de la situation. Il m’arracha la jupe et le pull et commença à déboutonner sa braguette mais j’eus un sursaut salutaire et le repoussai en hurlant. Étonnés de ma réaction subite et tardive, les garçons ne pensèrent pas à m’arrêter. Je m’enfermai à clé dans les toilettes et refusai d’en sortir. Puis j’entendis la voix doucereuse de Jonathan me promettre que son ami ne le referait plus et qu’il avait mes vêtements si je voulais me rhabiller. Je sortis prudemment. Pendant que je m’habillais devant eux, l’un me demanda pourquoi je ne voulais pas coucher avec eux. Je ne répondis rien, j’essayais de faire bonne figure dans mon orgueil. Mais leur jeu recommença, je fus balancée sur le lit des parents, on me souleva la jupe, je sentis des mains passer dans mon soutien-gorge et dans ma culotte. Je tremblais, je demandais qu’ils arrêtent. Jonathan fit alors la chose la plus horrible : il baissa son pantalon et se caressa devant moi, pendant que les autres rigolaient. Il éjacula sur mes genoux dans l’hilarité générale. Ils signèrent un pacte au-dessus de mon corps bafoué, à demi dénudé, aucun d’entre eux ne devait parler de cet après-midi.

Je ne fis pas partie du pacte, reléguée à mon rôle d’objet.

Il fut enfin 15h. Avant, j’eus le temps de passer à la salle de bain. Dans la voiture, ma mère sentait que je n’allais pas bien, peut-être qu’elle pensait à un chagrin d’amour ou je ne sais quoi.

Je voulus en parler le lendemain à l’école, à ma meilleure amie de l’époque. Mais quand je commençai elle me tourna subitement le dos  : “Oh ça va ! On le sait que t’es sortie avec Jonathan ! Pas la peine de te faire mousser !” et elle partit. Alors c’était donc ça, elle était jalouse et me laissait seule avec mon chagrin.

Je me demandais si je devais en parler à la psychologue que je fréquentais à l’époque pour mes problèmes liés à la nourriture. Nourriture que je refusais d’ingurgiter la plupart du temps. Mais au début de la séance, celle-ci m’annonça tout sourire : “Eh bien, nous avons fait beaucoup de travail ensemble mais je pense qu’il est inutile de continuer, il me semble que ça va beaucoup mieux.”

Puisqu’elle l’affirmait ! C’était sans doute vrai et à quoi bon ?

J’étais seule, seule et humiliée. J’avais cru qu’il s’intéressait à moi, je m’étais faite belle pour lui. Ce que j’ai pu me sentir stupide ! Je me détestais ! Je demandai au professeur d’histoire de me changer de place, prétextant un problème de vue, à mon soulagement ça a marché et Jonathan ne m’adressa plus jamais la parole.

 

Rose Velvet

 

les-papillons

 

Illustration par Shyvs

 

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