Pendant 4 ans il a fait des petits trous. Des tas de petits trous dans moi. Dans mon cerveau, dans mon ventre, dans mon cœur, dans mes yeux, dans chacun de mes os ensuite… Il m’a affaiblie sans relâche. Parfois avec ses mots, parfois avec ses actes, parfois envers moi, parfois envers d’autres.
Des tous petits trous pour la plupart que je ne sentais presque pas et qui m’ont fragilisée pendant des mois et des mois.
Il m’a fait des trous de plus en plus en plus gros, son absence, son jugements, ses mensonges… J’ai été tour à tour une menteuse, une hypocondriaque, une gamine, une idiote, une niaise, une horrible belle mère, un boulet, une ratée, une grosse, mais toujours pleine de petits trous. Et quand j’ai senti que je lâchais, j’étais tellement persuadée que je me retrouverai seule, il me l’avait tellement répété, que j’ai commencé à réparer les trous. Avec de l’amour et de la douceur au début mais c’était trop tendre pour un vrai bonhomme aussi fort! J’ai ensuite utilisé du courage, de l’indifférence, de la tristesse… Ça l’a fait rire. C’était ridicule disait-il. Alors j’ai cherché des trucs plus solides, de la rage, de la haine, de la colère. Ça l’a fait rire encore un peu mais moi je devenais dure comme un trottoir. Je devenais inflexible, je devenais ce que je suis aujourd’hui. Incapable de montrer une émotion, parce que ça le faisait rire. Les émotions c’est pour les lâches, les faibles, ceux qui ne savent pas être seuls, ceux qui ne savent pas se débrouiller par eux même. Je voulais être comme lui et n’avoir besoin de personne. Et j’ai réussi… Pendant qu’il est heureux avec sa famille qui s’occupe de tout pour lui et une fille qui rempli les trous de bonheur et de douceur, moi je fais des petits trous dans celui que j’aime, et je rigole quand il essaye de me soigner avec de l’amour, parce que l’amour c’est pour les faibles.
R.

Illu LES PETITS TROUS

Illustration par Léo