On vous dit toujours qu’il n’y a rien de plus naturel, que ça vient simplement, que c’est juste un peu douloureux la première fois. La première fois que j’ai couché avec un mec, on n’a pas couché. La première fois j’étais amoureuse, j’en avais envie, mais il n’a pas pu me pénétrer. Je ne sais pas comment il l’a vécu, mais de mon côté c’était un peu comme si il ne trouvait pas l’entrée. On était aussi nul l’un que l’autre en communication, on n’en a pas parlé, et puis je n’aurais pas su quoi dire. Nous étions dans une pseudo relation à distance, je partais à l’étranger. L’an suivant, on se revoit, la chimie est toujours là, je pensais qu’on réessayerait, que cette fois serait la bonne. On passe 10 jours ensemble sans passer à l’acte. Je pense qu’on en avait pourtant tous les deux envie. J’étais vierge et n’osais rien faire, quant à lui, il n’a même pas retenté. Et il a fini par couper tout contact.

Nouvelle vie, nouvelle ville, longue acclimatation, je rencontre ce gars, le courant passe bien, on finit par se mettre ensemble. Cela va assez vite, je me sens bien avec lui, il me parle beaucoup, me met en confiance. Un soir, après un chaud début de soirée, je l’invite enfin à rester la nuit. Je suis très excitée, je ne pense même pas que ça puisse bloquer mais… rien. Comme la première fois. Rien.

C’est à ce moment-là que j’ai compris : le problème vient entièrement de moi. Cette évidence m’a frappée de plein fouet. Mon corps refuse de s’ouvrir même si j’en ai envie. Je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi, je sais juste que ça ne fonctionne pas normalement et je suis effondrée. Le vaginisme, à l’époque, j’en avais jamais entendu parler, c’est lui qui l’a évoqué, une de ces ex en souffrait. Il m’a envoyé des liens sur le net mais je ne me reconnaissais pas dans les descriptions, n’ayant pour ma part subi aucune agression, connaissant bien le corps humain, et ne considérant pas le sexe comme tabou. Cependant, les symptômes étaient là, un vaginisme primaire de situation. C’est-à-dire une contraction non contrôlée du vagin interdisant ou rendant douloureuse toute pénétration, se déclarant dès le début de la vie sexuelle, seulement dans certaines situations (ici l’acte avec le partenaire).

Il nous a fallu environ un mois pour y arriver, étapes par étapes, lui me répétant de le regarder dans les yeux pour me calmer et moi l’arrêtant lorsque la douleur se faisait trop intense. Il parait que certaines filles n’y arrivent jamais, il parait aussi qu’un déclic peut se produire. Je suis entre les deux, actuellement 4 fois sur 5 c’est douloureux et parfois même cela reste impossible et je repousse mon partenaire. C’est la première fois à chaque fois. Le problème c’est que ça reste un cercle vicieux : on sait que l’on va avoir mal du coup on appréhende, l’appréhension provoque le blocage qui mène à la douleur, ad lib.

Naturellement, cela influence considérablement mon envie qui est devenue très limitée. Mon copain a beau être patient il supporte mal la situation, en particulier lorsque je le repousse. Il me le répète régulièrement ce qui ne fait que me rajouter de la pression. Cela altère ma confiance en moi dans la relation, et pourrit régulièrement ma vie de couple. Je sais que ce problème me suivra, que dans toutes mes relations il faudra que j’explique, me justifie. Ce n’est pas toujours simple de faire comprendre que le désir ne suffit pas, que c’est le corps qui ne réagit pas de manière adéquate. Certains jours je me sens anormale ou coupable car le blocage est dans ma tête. Il faut juste que je le trouve afin de me libérer, afin de pouvoir profiter pleinement, afin de ne plus avoir de premières fois.

C.

Dessin au feutre sur feuille blanche : dans un carré bordé de dentelle rouge, un corps de femme de mi-cuisses à mi-visage. Elle porte juste un petit haut au-dessus du nombril, son pubis est rouge. Le haut est fendu de deux ouvertures au niveau de seins et il est écrit dessus “Love Love Love”. Elle a la main droite fermée sur le haut de sa cuisse et la main gauche dans le dos.

Illustration par N.O.