Je m’appelle Anne-Sophie, j’ai 37 ans, deux enfants et un amoureux.

Je ne sais plus comment tout a commencé. Je suis née en Ardèche dans une famille fière de ses racines. Mon papa est cuisinier de formation (cuisine traditionnelle française, très loin du véganisme donc…), mes grands-parents avaient une ferme où ils tuaient cochons, lapins, etc. (On est très loin du véganisme, vraiment très loin…)

Je me souviens que quand j’avais à peu près huit ou neuf ans, j’ai vu pour la première fois de mes propres yeux mon papi égorger un lapin… J’ai été tellement horrifiée… Je me souviens que ma mamie voyant ça m’a “offert” les pattes du pauvre lapin en me disant qu’elles portaient bonheur… J’ai fait une petite tombe aux pattes encore tièdes, j’étais tellement désolée… Je n’ai plus jamais mangé de lapin…
Étrangement, je n’ai pas fait le lien avec les autres animaux qui se retrouvaient dans mon assiette.
Pendant les vacances, j’emmenais les vaches au pré, les ramenais à l’écurie le soir, elles étaient traites deux fois par jour… j’ai bien vu des veaux naître puis partir… pour où ? À l’époque, je n’en savais rien… Je n’ai jamais posé la question… Je leur ai parfois donné le “biberon” et j’étais heureuse de le faire… à mille lieues de comprendre…

À l’adolescence, il y a eu un premier petit changement : le refus de la viande rouge. Par goût. Par souci de santé et… il faut bien le dire, pour ma ligne.

En 2007, j’ai donné naissance à deux garçons, je me suis découverte comme je n’aurais jamais imaginé être, maternante, maman allaitante, recherchant les alternatives les plus naturelles et écologiques possibles (couches lavables et alimentation biologique, entre autres choses).

Pour que je me réveille complètement, il faut attendre 2016… et oui 36 ans… Quelle lenteur…
J’ai d’abord arrêté complètement la viande, je ne saurais pas dire quand exactement, ça s’est fait simplement. Par contre je me souviens de mon dernier œuf… c’est bizarre… Il avait un goût… au-delà du goût d’œuf… un goût de souffrance et de mort… C’était l’été… Je suis devenue végétalienne… Puis végane dans les semaines qui ont suivi…

Ce n’est ni toujours parfait, ni toujours facile.
J’ai été mal conseillée (par une naturopathe) qui m’a fait prendre du fer et du magnésium mais pas un mot sur la B12…
L’entourage qui ne comprend pas vraiment, qui s’inquiète, voire qui critique ou se moque…

Mon compagnon et mes enfants sont devenus de fait fléxitariens. Ils n’ont pas fait le choix du végétalisme mais c’est moi qui cuisine, donc chez moi c’est comme ça. J’en discute beaucoup avec eux, donne des infos et essaie de déclencher en douceur une prise de conscience.

Le père de mes enfants est omnivore et n’encourage pas l’alimentation végétalienne. Je ne souhaite pas entrer dans un conflit sur ce point, je pars du principe que l’alimentation, au même titre que la religion, doit être un choix personnel fait sous l’impulsion d’une conviction profonde, ancrée, afin qu’elle s’inscrive dans la durée et que ce soit un choix d’Amour, non une contrainte, un choix forcé ou imposé. Quand ils seront assez grands, mes enfants feront leur choix et le cas échéant, ils auront une alliée pour faire les choses bien : moi.

Je ne m’en veux pas/plus pour toutes ces années d’aveuglement. Au début, j’étais en colère, de n’avoir pas vu, pas compris, qu’on ne m’ait rien dit ou pire qu’on m’ait dit des choses fausses… Je n’en veux pas aux autres d’être un peu lents à comprendre… j’informe et je laisse faire le temps…

Les consciences sont en train de changer, nous sommes à un tournant important, une belle évolution s’amorce et c’est beau. J’essaie d’accompagner ceux qui le souhaitent avec bienveillance.

Je pratique également le zéro déchet, je mange local, de saison et bio le plus possible. Je conjugue tout ceci avec le véganisme dans une démarche écologique et éthique globale. Il faut viser la lune pour atteindre les étoiles.

Anne-Sophie

Illustration par N.O.