J’ai toujours été une gamine souriante, joyeuse, en y repensant je trouve même que j’étais un peu nunuche et très insouciante. L’insouciance … une amie que j’aurais aimé garder plus longtemps, j’aurais souhaité me blottir contre elle encore un peu, quelques années de plus.Mais la vie en a décidé autrement, je suis entrée au lycée, j’y ai retrouvé mes ami-e-s, et je m’en suis fait d’autres.

Il m’a tout de suite impressionnée, je venais d’avoir 15 ans, il en avait 17. Il était grand, beau, il parlait fort et faisait rire tout le monde. Moi j’étais plutôt mal dans ma peau, timide et discrète. Nous étions si différents que nous nous sommes tout de suite entendus , il était comme mon frère et j’étais comme sa sœur. Les semaines ont passé et mes sentiments ont évolué avec. Il était mon premier amour, je l’aimais secrètement en étant certaine que jamais, non jamais, il ne pourrait avoir d’autres sentiments pour moi que de l’amitié.

Il a commencé à changer, comme ça, sans que je m’en rende vraiment compte. Il était de mauvaise humeur, il venait de moins en moins souvent en cours. Je me rappelle avoir été surprise de le voir piquer une colère et balancer sa chaise contre un mur. Je ne le reconnaissais plus mais je m’en fichais, parce que je l’aimais. Puis j’ai compris que la limite entre la chaise et moi était très faible, le jour où il m’a donné une gifle pour la première fois.

Ensuite, tout s’est enchaîné très vite. C’était toujours la même chose, il me frappait, me jetait contre le mur, contre des meubles puis il venait s’excuser, et je pardonnais. Je crois que le pire pour moi c’était de me faire humilier en public. Il me tirait les cheveux devant les autres élèves, il me faisait tomber et je masquais ma douleur par un grand sourire. Pour les autres on se chamaillait. A la fin de l’année on s’est quitté en sachant qu’il ne serait plus dans ce lycée l’année suivante. Je ne le verrais plus …j’ai pleuré tout l’été.

Aujourd’hui j’ai vingt-deux ans et je sais que personne n’a le droit de lever la main sur moi. J’ai pardonné, il se droguait, il était jeune et je sais qu’il s’en voudra toujours de m’avoir fait ça. Je le croise quelques fois dans le centre ville, on se dit bonjour, on s’échange quelques banalités, rien de plus en apparence. J’ai toujours un petit pincement au cœur. Dans ses yeux je vois toujours le garçon de 17 ans que j’ai rencontré en entrant au lycée. Il m’a changée. Je n’ai plus jamais été nunuche ou insouciante.

On change tou-te-s. A un moment ou un autre il faut laisser l’enfant que l’on est derrière nous pour grandir. On lui lâche la main pour partir vers de nouvelles aventures.

J’aurais juste voulu rester enfant un peu plus longtemps.

 

Héloïse

Illu L'INSOUCIANCE

Illustration par Céline