La réaction des gens face à mon végétarisme (et au végétarisme en général) va de la curiosité au rejet total, en passant par l’incompréhension. De mon côté, je comprends plutôt bien ces différents états, car je ne suis végétarienne « que » depuis bientôt 2 ans. Donc j’ai déjà pensé (et probablement dit) toutes ces choses avant, quand j’étais confrontée à des gens qui ne mangeaient pas comme moi, qui avaient fait un choix que je ne comprenais pas. Voici un petit condensé de ces questions ou remarques, et mes réponses, qui bien évidemment n’engagent que moi et mon expérience.

« Pourquoi tu ne manges pas de viande ? »

Pour la faire courte, j’ai passé 27 ans à me nourrir en grande partie de charcuterie et de sandwichs au jambon. Je savais qu’il existait des végétariens, mais bon, je ne voyais pas trop ce que ça avait comme intérêt. Oui, j’aimais bien les animaux, et j’aimais bien la viande. Ma base alimentaire, c’était le jambon et les lardons. Je ne me suis pas réveillée un matin en me disant « Allez, j’arrête tout produit d’origine animale, ça suffit ces conneries ». Ça arrive à des gens, mais mon chemin a été plus lent.

À force de croiser des végétariens, je me suis tout simplement demandée ce qu’ils mangeaient. C’était de la pure curiosité culinaire, en fait. Le côté « les animaux » me passait encore au-dessus de la tête. Mon copain, lui, ne mangeait pas certains types de viande, par choix éthique. Donc je lui ai offert un livre de recettes sans viande. Il y avait plein de bonnes choses dedans. Loin de l’assiette de salade-concombre. C’était chouette, ça ouvrait plein de nouvelles possibilités. Et puis, un weekend, par challenge, je me suis dit « allez, je teste deux jours sans viande du tout ». J’ai du m’organiser et réfléchir à mes courses, c’était un peu compliqué, je l’avoue, parce que je n’avais jamais vraiment réfléchi à ce que je mangeais. Mais j’ai passé un super weekend, et j’ai très bien mangé, grâce à des recettes trouvées sur internet et dans des livres de cuisine. Forte de ce constat, j’ai commencé à changer mes habitudes alimentaires, progressivement, sans m’en rendre compte : je n’achetais plus de viande « industrielle » au supermarché, parfois un bon morceau à la boucherie. Et petit à petit, je n’en ai plus acheté du tout. Déjà, le goût de la viande se perd. Vraiment. Après environ 2/3 mois sans viande du tout, je me suis acheté un saucisson. Parce que j’en avais envie. J’ai croqué dedans. Le goût m’a paru affreux (et j’ai demandé aux gens avec moi, le saucisson n’avait pas un goût affreux pour eux). Ensuite, en parallèle, je me suis mise à lire un peu sur le sujet du végétarisme, du végétalisme, du spécisme. J’ai commencé ces recherches après avoir commencé à réduire la viande, donc ce ne sont pas ces lectures qui m’ont « fait changer ». Elles ont par contre indéniablement aidé ma transition alimentaire, et ont apporté un sens à ma démarche. Après ces recherches, je ne voulais plus manger de viande. Avant, j’étais encore en « expérimentation ». Après, j’étais déterminée. Il me parait aujourd’hui impensable de manger de la viande, car je sais d’où elle vient (d’un animal, duh) et comment elle est arrivée dans mon assiette (en tuant l’animal). Et la transition saucisson/pâté en croute à végétarisme tendant au végétalisme (je ne mange ni viande ni poisson, et suis en train de réduire le lait, les œufs et le fromage) s’est faite doucement, sans que jamais je me sente « obligée » ou « restreinte ».

Est-ce que ma vie a fondamentalement changé depuis ? Non, pas tellement. Elle est différente, oui, mais je vois plutôt ça comme une évolution naturelle et logique, en accord avec mes convictions.

« Mais tu manges quoi du coup ? »

Plein de choses. Je mange des burgers, des lasagnes, des légumes, des salades composées, des quiches, des gâteaux… J’ai juste adapté ce que je mets dedans. Au début, en effet, c’était un peu compliqué de trouver des idées. J’ai goûté pas mal de trucs pas top. Maintenant, faire mes courses est aussi rapide qu’avant, j’ai d’autres automatismes quand je cuisine, et je sais quels plats et produits j’aime. Je me fais des plats rigolos, des apéros, des plats « je suis malade j’ai pas envie de cuisiner », des déjeuners sur le pouce… Comme avant en fait.

« C’est pas trop relou quand tu es invitée à dîner chez des gens, ou au resto ? »

Si je suis invitée chez des gens, je leur précise (s’ils ne sont pas déjà au courant) ce que je ne mange pas, et leur propose d’amener quelque chose s’ils ne peuvent/veulent pas préparer un plat végétarien rien que pour ma gueule. Je peux comprendre que des amis n’aient pas le temps de préparer un truc à part en plus quand ils invitent des gens à dîner, c’est pourquoi je propose parfois d’amener moi-même un plat végétarien, que je serai ravie de faire goûter aux autres. La plupart du temps, les gens font un plat végétarien pour tout le monde car c’est plus simple (par exemple, une quiche aux légumes, ou des lasagnes courgette/épinards…), ou bien me font un petite assiette à part.

Au resto, soit c’est moi qui choisis le resto et dans ce cas je choisi un endroit où je sais que j’aurais quelque chose d’intéressant à me mettre sous la dent (resto total végé ou proposant quelques plats végé), soit je rejoins des amis pour une raison quelconque, auquel cas il arrive en effet parfois que le menu soit un peu restreint pour moi (mais honnêtement, c’est de plus en plus rare). Dans ce cas, soit je m’en fiche et je me contente de frites ou d’une salade et de fromage, soit je demande au serveur s’il y a possibilité d’avoir un assortiment de légumes ou autre chose qui ne soit pas à la carte, mais facile à faire avec les ingrédients disponibles en cuisine. J’ai eu de très bonnes surprises en demandant gentiment, en général les cuisiniers font tout leur possible pour m’aider à trouver quelque chose à manger !

« Tu dois être super carencée, ou alors tu vas perdre plein de poids »

Pour les carences, honnêtement, je mange bien plus équilibré maintenant. Je ne fais pas non plus super gaffe à tout. Mon médecin m’a juste recommandé de vérifier mes taux de fer, qui sont stables. Si je passe à un régime végétalien (aucun sous produit animal, donc œufs, lait, fromage, etc), il faudra que je me supplémente en vitamine B12, la seule qui n’est pas trouvable en quantité suffisante dans une alimentation sans produit d’origine animale.

Pour le poids, après 1 an 1/2 de végétarisme, mon médecin m’a pesée et a noté une perte de 600g par rapport à mon poids pré-végétarisme. Donc bon, je ne suis pas très inquiète. Forcément, si quelqu’un passe de burger frite à salade verte à tous les repas, cette personne va perdre du poids. Mais ce n’est pas le végétarisme qui sera en cause, c’est l’équilibre alimentaire.

« Ha ouais, mais moi je pourrais pas »

Je pensais la même chose. Je ne voyais même pas comment on pouvait se nourrir sans viande. En fait, c’est non seulement tout à fait possible, mais franchement pas très compliqué. Je ne passe pas mes journées à angoisser sur comment je vais me sustenter. À part les premiers mois, qui sont un peu une aventure tant il y a de choses à découvrir, à essayer, à comparer, manger sans viande n’est pas plus compliqué que manger quand on n’aime pas les tomates, par exemple. Vraiment. On peut. Il faut le vouloir par contre, sinon forcément c’est juste une contrainte chiante.

« Vous êtes chiants, vous les végé, à nous faire la morale »

Il existe des végétariens chiants. Il existe toutes sortes de gens chiants. Mais le végétarisme n’est pas une quête de bons points et le but n’est pas d’imposer des choix aux autres ou de « faire la morale ». Si je mange avec quelqu’un qui mange de la viande, je ne vais pas passer le repas à lui parler de son assiette, et j’attends la même chose en retour. Si on me pose une question sur le végétarisme, la souffrance animale, le spécisme… je peux répondre si ça intéresse vraiment la personne. Sinon, on peut parler d’autre chose, aussi. De façon générale, je suis plutôt pour la démonstration par l’exemple (je vis normalement en étant végétarienne, je continue de diner avec mes amis, je leur fait découvrir des plats, je peux débattre avec eux si chacun reste honnête dans ses propos…) que pour l’affrontement perpétuel. Mais certains fonctionnent différemment. Des amis sont devenus végétariens du jour au lendemain après avoir vu des vidéos d’abattoirs. Il leur fallait ce déclic violent, me voir manger du houmous depuis deux ans ne les avait pas incités à réduire leur consommation de jambon. Ces vidéos, par exemple, ne sont pas une « leçon de morale ». Ce sont des réalités. Pareil, quand je réponds « je ne mange pas de viande parce que je ne veux pas manger d’animal », je ne suis pas en train de dire « sale monstre mangeur de steak, je te juge ». Je ne te juge pas, j’étais toi il y a peu de temps. Je te dis juste pourquoi j’ai changé.

« Et ces pauvres radis, tu as pensé à leur souffrance ? »

Les gens qui sortent ce genre de phrase le font soit pour troller, soit par méconnaissance complète du végétarisme. Dans ce dernier cas, je peux expliquer pourquoi un animal est un être sensible et capable d’éprouver de la douleur, à l’inverse d’un végétal. Mais en général les gens ne veulent pas vraiment avoir ce genre de conversation donc je ne m’entête pas dans des débats stériles.

« Tout ça ne vaut pas un bon steak »

Bon, là, ce n’est ni une question ni un argument, c’est juste une façon de clore le débat en sachant que chacun restera sur ses convictions. Ça arrive. Tant pis.

Ookah

Sur fond orange clair, une carotte, un navet et un poivron humanisés, terrifiés, s'enfuient en hurlant devant une fourchette. Au-dessus, on peut lire : "Le cri de la carotte".

Sur fond rose pâle, une petite aubergine humanisée timide tend un petit bouquet de fleurs à un fenouil amoureux. Au-dessus, on peut lire : "Si ça se troue, les légumes aussi, on des sentiments."