J’ai découvert que j’étais enceinte à neuf ou dix semaines, et je pense avoir suivi le parcours de beaucoup de femmes, qui rencontrent une incompréhension totale du milieu médical. Mon premier réflexe a été d’appeler ma gynéco, mais malgré mes larmes, sa secrétaire a refusé de me la passer, et de me donner un rendez-vous d’urgence. Elle m’a envoyée vers une autre gynéco, qui a accepté de me prendre en urgence. Rendez-vous classique d’une anti-avortement, qui m’a évidemment fait écouter les battements du cœur du fœtus, et m’a accusée de vouloir faire subir une véritable boucherie à mon corps. Profondément abattue, je cherche sur internet les coordonnées d’un planning familial, mais malheureusement, je pense être tombée sur une mauvaise « association » puisqu’on m’a donné les coordonnées d’un médecin qui, lors du rendez-vous, m’a reproché d’être venue sans avoir consulté un anesthésiste, persuadé que toute femme SAIT qu’elle devra être sous anesthésie générale pour l’opération. Trop près de la limite légale française, il a évidemment refusé de « m’opérer ».
Mon père m’a emmenée ensuite à l’hôpital (cruelle ironie, à la maternité où je suis née), simplement parce qu’il ne savait pas quoi faire. Et là, la dernière écho subie a confirmé que j’avais dépassé le délai d’un jour ou deux, et qu’il était donc strictement impossible de faire quoi que ce soit.
Cependant, l’infirmière, comprenant et partageant ma douleur, m’a donné les coordonnées du « vrai » planning familial, avec une antenne près de la Bourse. Et là, j’ai enfin rencontré toute l’écoute dont j’avais besoin, après deux semaines d’enfer auprès du corps médical français. La personne en face de moi a été la première à me demander de raconter toute mon histoire, comment j’en étais arrivée là, et à s’assurer que cette discussion m’aiderait à être plus rassurée. Elle m’a ensuite donné les coordonnées d’une clinique hollandaise, avec laquelle le planning familial a (avait ?) une sorte de partenariat, qui me permettrait de bénéficier d’un tarif un peu réduit.
Quelques jours plus tard, mon père m’emmenait en voiture là-bas, où j’ai rencontré des gens incroyables, une équipe qui parle plusieurs langues, et où, pour la première fois, on m’a dit que j’étais courageuse, et surtout, que je faisais le bon choix. L’opération s’est très bien déroulée, puisque je n’ai ressenti aucune douleur après, ni même les quelques jours qui ont suivi. Je reste persuadée que si finalement, je me considère comme une femme qui a bien vécu son IVG, c’est grâce à l’écoute, à la gentillesse, à la générosité, et au professionnalisme de cette équipe hollandaise. Je rêve d’une France où les femmes pourraient toutes avoir des professionnels aussi compréhensifs qu’eux.
Oui, on peut découvrir sa grossesse à dix semaines, il suffit d’avoir un cycle naturel de presque trois mois. Mon compagnon était parti peu après que je tombe enceinte, mais ne l’a jamais su, et j’ai découvert ce qu’il m’arrivait évidement au moment de la trêve des confiseurs, à Noël, quand il n’y a plus personne dans les hôpitaux pour te prendre en urgence. C’était il y a cinq ans, je n’ai aucun regret, aucune séquelle, mais je ne comprends pas pourquoi le corps médical n’est pas mieux formé à l’écoute.
Elizabeth

Dessin au crayon: un pull rouge qui est contraint par un lien noir qui le parcours de haut en bas. L’ensemble fait penser à un dessin stylisé de bondage
Illustration par N.O.
Ce témoignage est fort. Moi aussi j’ai subi l’incompréhension du personnel médical en France. Nous avons beaucoup de retard à rattraper par rapport aux Pays-bas.