Mettre des mots, ce n’est pas facile
et une fois que c’est fait
on ne sait plus
Si c’était mieux avant
quand on n’était pas sûre
quand on ne savait pas
pourtant la colère était bien là déjà
sa photo, son prénom suffisaient à créer le malaise
je ne repensais pas à cette nuit-là
pourtant quelque chose en moi
n’acceptait pas qu’il s’en sorte aussi facilement
cette réputation de briseur de cœurs
moi en énième victime du don juan
ma rage , ma colère, ma rancœur
mises par tous sur le compte de l’hystérie de la femme
quittée, trompée
moi-même incapable d’expliquer
cette haine qui montait en moi
croyant y exprimer une blessure d’amour-propre
de l’orgueil mal placé
d’avoir voulu me croire différente des autres
au-dessus du lot, puisque choisie
et puis rabaissée, remise dans le rang
dans le paquet des nanas faciles à baratiner
mais cette émotion qui montait en moi à chaque fois,
ça ne pouvait pas être aussi simple que ça
ma mâchoire crispée
mes poings serrés
l’envie de frapper
de lui faire mal
de l’étriper
de l’éclater
le massacrer
le piétiner
mais surtout
le dénoncer
de dire aux autres, je ne savais pas quoi encore, mais de le
gueuler très fort
que tout le monde sache
mais sache quoi ?
qu’il ne puisse plus le faire à personne
mais faire quoi ?
J’ai mis 4 ans à réaliser
d’où cela venait
Un jour, presque par hasard, en lisant un texte de ce genre,
écrit par une autre…
L’image de cette nuit là m’est revenue
et m’a poursuivie
J’ai cru d’abord que je réinventais l’histoire
mais non ! J’y étais, et c’est resté gravé !
J’ai voulu me le nier
J’ai voulu m’en sentir responsable, coupable,
après tout, je l’avais provoqué, puisque je l’avais aimé,
désiré, attiré, déshabillé …
Mais les mots de l’autre femme, les mots de plein d’autres
femmes me l’ont dit, me l’ont appris, me l’ont transmis …
Il m’a violée.
Aujourd’hui j’ai besoin de le partager, pour les autres peut-être,
mais surtout pour moi, encore hésitante à m’avouer
que c’est à moi que c’est arrivé …
Il m’a violée.
Tos
Illustration par Fanny