Allons Enfants de la Patrie…
Je n’ai jamais réellement su ce qu’était le sexisme, ou le féminisme.
Au départ, c’étaient des notions vagues, lointaines, issues d’un passé que seules mes aïeules avaient connu. C’est en intégrant le lycée militaire que j’ai compris que le sexisme était une réalité, ancrée dans notre société avec une telle force qu’elle en devient naturelle.
J’ai toujours voulu intégrer l’armée ou la gendarmerie, c’étaient des métiers qui m’attiraient sincèrement. Depuis que je suis gosse, je regarde toujours le défilé du 14 juillet, en attendant le jour où je paraderai moi aussi en uniforme. Je savais à l’avance que ça allait peut-être en surprendre certains. Après tout, les rangers et le flingue, c’est plutôt un truc « de mecs », non ?
Dans ce lycée militaire, il y a pas mal de garçons qui considèrent que, en tant que femme, votre place n’est pas dans l’armée. Pas de pénis, pas de treillis. Pour la première fois de ma vie, j’ai pris conscience de ce que signifiait être femme aux yeux des autres, de l’image que la femme renvoie ou doit renvoyer. Pour ces garçons, je n’avais pas ma place là-bas. Pas parce que j’étais mauvaise ou maladroite, juste parce que j’étais une fille et qu’en intégrant un lycée militaire, je pénétrais à leurs yeux dans un lieu masculin sacré, où la virilité est reine. Les filles n’ont pas le droit de faire les traditions, elles ne sont pas tous les jours victimes de sous-entendus sexistes mais, à chaque fois que je croisais le regard de ces mecs-là, je sentais que j’étais inférieure à leurs yeux. Ils refusent de parler aux gonzesses sinon c’est la honte pour eux.
Non le sexisme n’est pas mort, malheureusement. Je l’ai bien compris cette année-là, quand j’ai rencontré ces jeunes hommes de mon âge, issus de bonnes familles, cultivés et intègres, qui m’enfermaient dans leur vision étriquée et dégradante de la femme. Je pense que c’est à partir de ce moment-là que mon féminisme est né, à partir de ce moment-là que j’ai compris que ce combat sera long, haletant mais payant, je l’espère. Je ne veux plus que les filles soient regardées ainsi, ni dans un lycée militaire ni ailleurs. Je ne veux plus que l’on me dise où me tenir sous le prétexte que je ne suis pas née avec le bon organe génital, je ne veux plus que l’on me contraigne à un rang social que je ne peux ni choisir ni influencer. C’est pour cela que je suis devenue féministe, pour lutter contre ces violences gratuites, contre ces mots qui vous humilient, contre ces regards qui vous insultent en silence et contre ces coups qui vous défigurent.
Alyanna

Dessin en techniques variées : un visage de femme coupée en deux, elle porte une casquette militaire et a des yeux vairons, l’un bleu, l’autre vert. Dans l’interstice entre les deux parties de son visage : une fleur d’hibiscus rose et des crayons de couleurs en dessous. A droite et à gauche des parties de visage, des phrases et expressions sexistes classiques comme “Toutes hystériques ! ” ou “le sexe faible” écrites en noir sur un fond blanc avec des fleurs.
Illustration par Aude Soret