Expérience 1 : la gynéco familiale en libéral

La seule gynécologue à avoir un cabinet libéral à proximité, tout le monde va chez elle, ma mère, ma sœur, toutes les femmes du coin en fait. Je ne me souviens pas de grand-chose à part d’une peur bleue du spéculum et du toucher vaginal, VRAIMENT douloureux.

La seule méthode de contraception proposée : la pilule.

Expérience 2 : le centre de santé privé

Je suis étudiante, je vais dans un centre de santé pour ne pas devoir avancer les frais. Je me rends chez le gynéco plus ou moins une fois par an, frottis, prescription de pilule. Les  examens intimes y sont réalisés avec plus de douceur que ce que j’avais connu jusqu’alors, je m’en contente même s’il n’y a pas vraiment d’échange entre le médecin et moi.

Un jour, j’y retourne – enfin – alors que je sais que cela fait bien trop longtemps que je n’y suis pas allée. Le gynéco me parle de mon frottis d’il y a six mois. Je rétorque n’en avoir aucun souvenir, que je ne pense pas en avoir fait un pendant l’année écoulée. Il a l’air sûr de lui. Étonnée, voire inquiète de ma perte de mémoire, je n’insiste pas. Il me demande comment je supporte ma pilule Bidule, je lui réponds poliment que ça se passe bien mais que ma pilule c’est Machin. En fin de consultation, il me salut “au revoir Mme Onimous”.

Ah non, désolée, là j’en suis sûre : ce n’est pas mon nom, ce n’était donc pas le bon dossier. Je le fais remarquer, pas d’excuses, pas même une once de gêne.

Expérience 3 : le centre de santé municipal

Cette fois, je me fais conseiller par une copine féministe. Je découvre une médecin géniale dans un centre de santé. Elle me pose des questions, sans jugement. Elle me remercie de lui avoir répondu et me dit qu’elle va me rendre la pareille : elle me présente brièvement son parcours et me propose de lui poser des questions à mon tour pour mieux la connaître.  Un instant magique d’échange respectueux. La consultation n’aura guère duré plus longtemps que les autres fois. La qualité d’un échange n’est pas nécessairement conditionné par sa durée. Je me suis sentie bien, considérée et entendue. Dommage, elle part à la retraite deux mois plus tard.

Expérience 4 : le centre associatif type planning familial

J’attends une éternité avant que ce soit mon tour. Quand t’as pas de fric, t’as intérêt à être patient. Je suis finalement reçue. J’explique que j’ai les moyens d’aller dans un endroit payant mais que je préfère passer par eux pour me faire orienter vers des gynécos féministes – pour ne pas subir des injonctions (hétéro)-normatives. Au cours de la discussion j’évoque, entres autres, être bisexuelle et vouloir reprendre la pilule. La médecin m’indique qu’il n’est « pas nécessaire de prendre la pilule en tant que lesbienne ».

Euh. Quand est-ce que j’ai affirmé être homosexuelle ? Jamais.

Expérience 5 : la gynéco libérale conseillée par une copine

Une copine hétéro me conseille en urgence, première mycose oblige, une gynéco pas trop loin de mon travail. Au début, tout se passe bien, examen compris.

Puis elle me questionne : « vous avez eu des rapports avec votre compagnon depuis que vous avez votre mycose ? »

Moi : « actuellement, je suis en couple avec une compagne »

Elle : « ah…. C’est pas grave »

Réaction maladroite que je décide de ne pas relever même si cela me donne envie de lui refourguer des écrits sur la dénégation.
Mais, rapidement, je ne peux pas ignorer son changement d’attitude, elle devient distante et expéditive. Incrédule, je lui demande si je peux reprendre un rendez-vous, elle rétorque sèchement : je préfère que vous me rappeliez.
Le message est clair : ne reviens pas.

Expérience 6 : la gynéco option rapprochement géographique

Je n’ai plus envie de trouver un-e « gynéco bien ». Je m’en fiche, j’y vais rarement, je n’ai pas de problèmes particuliers. Je veux juste une chose : qu’on ne me bassine pas avec ma surcharge pondérale et mon absence d’enfants à plus de 30 ans. J’opte pour la gynéco de proximité en choisissant la plus proche de chez moi. Elle parle peu, pose uniquement les questions indispensables, n’émet pas de jugements. Pile ce qu’il me faut tant que je n’ai pas de problèmes et donc pas de questions. Par politesse, pendant l’examen, je fais la conversation et lui parle de la coupe menstruelle.
Elle me dit : « j’en ai déjà entendu parler. Cela fonctionne comment ? »
Sans déc ?
Seize années de vécu gynécologique, jamais les moyens de contraception existants ne m’ont été présentés avec leurs avantages et effets secondaires potentiels, ne serait-ce que brièvement. Jamais on ne m’a parlé des infections sexuellement transmissibles et de comment les prévenir. Je ne peux plus m’étonner de la méconnaissance générale des alternatives aux serviettes et tampons, même les gynécos ne les maîtrisent pas. Et je rappelle qu’il n’y a aucune obligation légale pour que la composition des serviettes et tampons soit détaillée sur les paquets.

Je suis ennuyée de ce vécu personnel. Je pense qu’il ne reflète évidemment pas l’ensemble des pratiques gynécologiques. Professionnellement, je côtoie des gynéco, salarié-e-s et bénévoles d’une grande qualité. Je ne souhaite pas que les critiques émises à l’encontre de certain-e-s professionnel-le-s alimentent le démantèlement d’un système de santé si précieux. Pour autant, le témoignage individuel permet aussi de rendre compte de la réalité d’un vécu, et je l’espère, d’amener à réfléchir sur les pratiques professionnelles qui se doivent, quel que soit le métier exercé, d’être toujours dans un processus de remise en cause afin de favoriser une approche humaine bercée par une écoute bienveillante et donc non jugeante. Nous sommes des patient-e-s à qui l’on doit le respect, l’écoute, une information claire et exhaustive pour nous permettre de faire nos choix. Les témoignages débordent dès que le sujet de la maltraitance gynécologique est évoqué. Cela devrait, cela doit forcer les gynécologues à une remise en cause pour que la considération ne soit plus optionnelle.

Géraldine

Dessin numérique en noir et blanc : une femme est en consultation dans le cabinet d’un médecin qui lui dit : “Voilà, Julie donc on se revoit dans 15 jours pour la pose de votre stérilet.”, à quoi elle répond désabusée “Euh… Moi c’est Géraldine… Et j’étais juste venue pour changer de marque de pilule en fait…”.

Illustration par Fab Fabrice

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