J’ai 16 ans.
Mes parents se sont séparés il y a quelques années, et ça me permets d’avoir deux maisons, ce qui n’est pas pour me déplaire. Cette semaine je suis chez mon père, et je sais que ce soir ma mère dort chez sa copine, du coup il n y aura personne chez elle. Cool, je vais pouvoir passer la nuit là-bas secrètement avec mon copain. Ce mec je l’ai juste rencontré dans la rue, comme ça, on a échangé deux-trois conneries, puis nos numéros, je le connais pas plus que ça. On s’est vu-e-s quelques fois depuis, on cause pas trop de sujets de fond, on est jeunes et on réfléchit pas trop. Bref il vient au rendez-vous, et on se retrouve au lit, on commence à se caresser, mais vraiment brièvement (enfin c’est surtout moi qui le masturbe, je crois) car très vite, il veut me pénétrer. Je n’ai jamais eu de relations sexuelles, je suis vierge, et insouciante. Et puis y’a ce truc quelque part, que, « il faut le faire », parce que à cet âge, y’a un peu la pression, le sexuel est omniprésent (merci l’adolescence). Je ne sais même plus s’il met une capote, mais il ne mets pas de gants en tout cas, si je peux m’exprimer ainsi. Il essaie de rentrer une première fois, ça fait mal, je lui dis. Il marmonne un truc du style : « c’est normal, y’a trois portes à franchir ». Et ré-essaie aussitôt, sans plus de délicatesse. Je me rappelle plus très bien de quelle manière, mais je manifeste mon mécontentement, et ma douleur. Rien à faire il continue, finit par me pénétrer entièrement, jouit très vite et s’affale. Je me lève et vais aux toilettes, je suis pleine de sang, je n’ai ressenti aucun plaisir, j’ai juste eu bien mal, et la certitude de ne pas avoir été écoutée ou entendue.
On se sépare peu de temps après cette histoire, dont nous n’avons pas reparlé, bien entendu. J’occulte complètement ce qui m’est arrivé, ne fais pas de crise, rien. Je passe juste par une intense période où je couche avec plein de mecs, sans en retirer aucune satisfaction. Ce n’est que plus tard, au contact des copines féministes, et en essayant d’analyser mon malaise latent, que j’ai réussi à mettre des mots sur ce passage de ma vie. Et maintenant à vivre avec.
Le plaisir masculin via le viol de la pucelle, le rien-à-FOUTRE du consentement, j’ai l’impression d’avoir vécu au moyen-âge, mais non, c’est bien à notre époque de soi-disant « modernité ».
Violences sexistes, toujours d’actualité, malheureusement… Combattons-les, écrasons le patriarcat, ne nous taisons plus !
K.
Illustration par Emilie Pinsan