« Il paraît que la France compte “148 femmes mortes sous les coups de leurs conjoints en 2012 ; 27 plaintes pour viol déposées chaque jour ; 400 000 femmes victimes de violences conjugales déclarées en deux ans.” Ces chiffres étaient martelés par les médias, lundi 25 novembre, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes fixée par l’ONU. » (lemonde.fr) Alors voilà, je me présente, je m’appelle Anne-Élise. Je suis née un 25 novembre. Je suis une femme.

La violence à l’égard des femmes, la violence à l’égard des moins fort-e-s physiquement, la violence à l’égard des innocent-e-s… il y en a 100 sortes, 1000 exemples à la minute, 1 million de perpétuées et encore plus de tues. Je pourrais vous parler de la violence qui se voit, celle qui laisse des traces… bleues, marrons, jaunes, de la violence arc-en-ciel en somme. Je pourrais vous parler de celle qui s’enfonce, qui déchire, qui blesse, à vie, qui empêche bien souvent de la donner… la vie. Mais je choisis de vous parler de celle qui se cache, se terre, qui fait taire. Oui, il y a autant de manifestations de violence qu’il y a d’êtres doués de déraison sur cette planète, mais de violence, il n’y en a qu’une.

Je choisis de vous parler de la violence des mots, de celle des silences. D’abord, elle vous caresse, comme un vent glacé sous votre manteau en plumes, c’est un peu désagréable bien sûr, mais on se dit qu’elle passera, comme le printemps chasse les hivers cinglants. Cette violence-là, qui ne se voit pas, qui ne se mesure pas, qui ne se constate pas dans un hôpital ou dans un commissariat, cette violence-là, qui n’est pas dénoncée par ses voisins, qui n’est pas comprise par sa famille, cette violence-là qui, tant qu’on ne la vit pas soi-même, n’est pas.

Cette violence-là dont on ne se méfie pas mais qui, petit à petit, jour après jour, humiliation après humiliation, faute après faute, pardon après pardon, reproche après reproche, brimade après brimade, moquerie après moquerie, dédain après dédain, s’infiltre insidieusement dans le quotidien jusqu’à conditionner tous vos gestes, vos décisions, qui s’installe dans vos os, vous glace le sang, paralyse votre esprit, gangrène votre cœur, vous rend impuissante, petite, esseulée, tremblante, dépendante, cette violence-là qui se terre, vous met par terre et finit parfois tragiquement par vous faire définitivement taire.

Vous n’avez pas eu le temps de préparer à manger, ou votre plat était trop salé pour Môssieur ? Vous ne « servez à rien » ? Vous ne « savez rien », vous ne « comprenez rien à rien » ? Vous avez « encore » fait ceci ou cela ? Vous n’avez « encore » pas fait ceci ou cela ? Vous êtes « moche » ? « Grosse » ? « Maigre » ? « Bête » ? « Inutile » ? Vous êtes « une erreur » ? Pas étonnant si « vos parents préfèrent votre sœur » ? Si vos enfants « ne vous respectent pas » ?

Réveillez-vous ! Osez ! Dites non ! Il vous a mise à genoux ? Redressez-vous, vos jambes peuvent vous porter, vos bras peuvent presque toucher les cieux, vous avez les épaules pour, et vous avez un très joli port de tête, voilà qui n’est pas pour plaire à Môssieur. Alors bien sûr, ce n’est pas si facile ; lui là-bas, qui bosse et « remplit le frigo » vous a bien martelé que « sans lui, vous n’étiez rien ». Lui là-bas vous a éloignée de vos proches et, quand il ne l’a pas fait, se révèle être un merveilleux parfait petit mari… en public. Pour vos ami-e-s, c’est « l’homme idéal », pour votre famille, « il assure » ; pour les autres et les un-e-s, « vous avez vraiment un problème », « vous n’êtes jamais contente ». Et puis « que deviendriez-vous sans lui » ? « Sans travail » ? Avec vos enfants qui n’obéissent qu’à lui ? Lui, c’est un illusionniste. Vous, vous êtes réelle. La violence qu’il vous inflige est réelle. Vos enfants, si vous en avez, sont réels. Ils vous voient diminuée, pour de vrai. Vos larmes sont réelles. Votre peur est réelle. Vos cris étouffés qui jamais ne franchissent le pas de vos lèvres sont réels. Vos doutes sont réels. Vous avez le choix. Tout le monde a le choix, l’illusionniste, jadis, l’avait aussi. Un monstre n’est pas un poussin, un monstre ne deviendra jamais quelqu’un de bien. Un monstre est un monstre, même déguisé.

Madame qui n’osez pas, madame qui ne vous en sentez pas le courage, madame qui n’êtes « qu’une femme », vous avez en vous des ressources que vous ne soupçonnez pas. Vous avez en vous quelque chose que même le plus habile des manipulateurs ne saura jamais ni atteindre ni contrôler : j’ai le plaisir de vous apprendre que, quand bien même il vous aurait convaincue du contraire, VOUS AVEZ UNE ÂME et portez en vous un petit quelque chose qui peut vous en faire faire de grandes, j’ai nommé L’ESPOIR. Je veux vous parler de l’AMOUR. Je veux vous parler de ce qui n’a rien à voir avec ce que vous vivez ; je veux vous parler du couple, de cette association de deux êtres qui décident de jouer la partie ensemble et avec, dans le creux de la paume des mains, le cœur pour seule couleur. Je veux vous parler de cette notion sans laquelle il n’est pas d’amour possible et que l’on appelle RESPECT. Je veux vous dire qu’il existe des types chouettes à tous les coins de rue. Qu’il est, parmi vos ami-e-s, vos proches, au moins un ou une qui saura vous écouter et vous épauler. Que vous pouvez dès à présent claquer la porte et lui faire manger son chapeau à ce « magicien » qui triche à tous les coups. Je veux vous dire que l’Amour, ce n’est pas la crainte, ce n’est pas le loup et l’agneau, le dominant et le dominé, ce n’est même pas le compromis. L’Amour, c’est prendre l’autre tel qu’il est et pour ce qu’il est, ses qualités comme ses petits travers, et tant pis si on n’est pas parfait. Je veux vous dire que l’Amour, le vrai, celui qui vous adoucit la vie, celui qui vous remplit plutôt que de vous faire vous vider, cet amour-là, le seul qui mérite le label rose, vous le méritez. Je veux vous dire que vous êtes belle. Je veux vous dire que vous êtes vivante. Je veux vous dire que vous êtes grande. Je veux vous dire que vous êtes Femme. Je veux vous dire que vous êtes unique. Je veux vous rappeler de ne jamais l’oublier !

 

Anne-Elise

 

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Illustration par Aln

 

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