Au temps passé,
Si j’avais été un petit garçon, et non une petite fille,
On ne m’aurait pas voulue douce, généreuse et gentille,
J’aurais appris à me défendre avec ou sans violence,
Néanmoins, à me faire respecter comme une évidence.
J’aurais porté la couleur bleue, et non du rose,
Des fringues confortables et non des jolies choses.
J’aurais grimpé aux branches des arbres, me serais roulée dans la boue,
Mais une demoiselle se doit de toujours se tenir droite et debout…
Au temps présent,
Si j’étais un homme,
Je n’aurais plus à endurer les “hé mademoiselle t’es charmante !”
Accompagnés de jolis “sale pute” et autres insultes élégantes,
Je ne serais ni une “salope”, ni une “mal baisée”, ni “coincée”,
Et la longueur de ma jupe n’attesterait en rien de celle de mes idées.
Si j’étais un homme,
Je pourrais parler de politique sans être moqué,
Sur mon poids, ma taille ou mon caractère trempé.
Mes opinions, mes valeurs et mes compétences,
Auraient plus de prestige que mon apparence.
Si j’étais un homme,
Toutes les femmes de mon entourage n’auraient pas cet œil hautain,
Prêt à critiquer chaque détail de mon apparence physique avec dédain.
Tous ces vieux satyres, ces mecs de mon âge et ces hommes mariés,
Ne me déshabilleraient pas du regard à chaque opportunité.
Si j’étais un homme,
Mes tatouages ne seraient pas “moches parce que trop masculins”,
Voire pas assez floraux ou étoilés selon l’avis de certains.
Je disposerais enfin de mon corps qui respire,
Sans que personne puisse trouver à y redire.
Si j’étais un homme,
On ne remettrait pas en cause ma capacité à me servir d’une carte,
Et je n’aurais plus peur de traîner ne serait-ce qu’en bas de mon appart’.
De jour ou de nuit, chaque sortie ne serait plus une prise de risque trop négligée,
Durant laquelle s’il m’arrivait quoi que ce soit je l’aurais bien mérité.
Si j’étais un homme,
Mon nombre de conquêtes serait un tableau de chasse, une fierté,
Une preuve que je plais, et non que je suis facile à consommer.
Je pourrais parler librement de sexe sans me heurter aux sous-entendus,
De ceux qui pensent que femme libérée égale femme de peu de vertu.
Si j’étais un homme,
Personne n’irait dire que je ne m’intéresse aux jeux, au cosplay et à la science-fiction,
Que pour “faire la belle”, draguer l’autre sexe et sur moi attirer l’attention.
Les employeurs n’oseraient pas me demander de passer sous la table,
Pour signer un contrat de travail au salaire tout aussi effroyable.
Si j’étais un homme,
Le voisinage ne me résumerait pas à “la meuf” ou “la copine de”,
Et les administrations à la “propriété du nom de famille de monsieur”.
On ne me dirait pas “trop bavarde” dès que je m’exprime avec passion,
Ni “trop effacée” lorsque j’écoute avec réel intérêt et compassion.
Si j’étais un homme,
Je ne connaîtrais pas ce cercle vicieux, cet enfer qu’est l’anorexie,
Ni le dégoût de soi et des aliments provoqué par une crise de boulimie.
Je ne me tuerais pas au sport chaque jour pour rester mince et en forme,
Juste pour ne plus jamais laisser personne faire de remarque sur mes formes.
Si j’étais un homme,
Peut-être que j’aimerais mon corps au naturel, tel qu’il est,
Avec ses rondeurs, ses épaules larges, voire sa pilosité,
En tout cas, je n’aurais plus un semblant de poitrine à détester,
Ces seins qui me rappellent ces jours où mon père les a touchés.
Au temps proche,
Si j’avais été un homme, certes je n’en suis pas un,
Et n’en serai jamais un, mais reconnaissez-le bien,
Ces choses ne seraient probablement, certainement jamais arrivées au cours de ma vie,
Si seulement dès son premier jour ce sexisme et ces clichés ne m’avaient pas suivie.
Je me dis encore, s’il n’avait jamais existé de sexe faible ou fort,
Peut-être cela aurait-il changé pas mal de choses à mon sort,
Si la différence entre mes jambes et celle sur mon torse ne provoquaient le discrédit,
Si seulement il y a vingt-trois ans de cela, j’étais née non pas elle, mais juste lui…
Spade
< Renaître > 2014 !pyon!
Moi qui suis né lui, mais qui suis elle aujourd’hui,
je ne peux m’empêcher de vouloir rétorquer
qu’être lui n’est pas plus facile qu’être elle
et que chacun de nous n’est finalement peu de choses.
Si tu étais un hommes, tu te penserais plus fort,
mais tu n’en aurais pas conscience, puisque tu ignorerais
ce qu’est être une femme, et tout ce qu’elles endurent.
Tu serais certes un homme, mais tu ne serais pas pour autant
à l’abri de la souffrance, de la violence et de ces horreurs
que l’on pense souvent à tort réservées aux femmes.
Mais tu n’en aurais pas conscience, puisque tu serais un homme.
Tu es une femme, et tu n’es pas moins respectable. Tu vaux au moins autant, si ce n’est plus. Tu es toi, quel que soit ton sexe, ton genre, quelle que soit la façon dont tu te représentes. Sois fière, sois fier, sois toi. C’est ta plus grande force.