Le consentement est « l’action de donner son accord à une action », cette définition est plutôt simple, alors pourquoi a-t-on autant de mal quand on parle de relation sexuelle ?

 On nous a tellement mis dans la tête que « si c’est ton copain, c’est pas du viol » que j’avais réussi à l’intégrer, à le penser, à me dire que de toute façon, fallait bien faire des efforts « parce qu’un mec, ça a toujours envie » et puis que « pense à autre chose, ça passera plus vite », « c’est ton copain, il t’aime et est trop gentil pour te faire du mal ».

 J’ai 15 ans, et pendant les deux ans et demi qu’a duré ma première relation, avec A. j’ai accepté. J’ai accepté quand il était là, de faire des choses dont je ne voulais pas. On avait un accord tacite, une fois tous les deux jours, comme ça, une nuit sur deux je pouvais me reposer. Je me souviens que les jours où je savais que j’allais dormir tranquille, les jours sans, j’étais soulagée à 22 heures et je dormais bien, même si une petite voix dans ma tête me disait que je devais me préparer pour le lendemain… Et le lendemain arrivait… Y’avait cette même petite voix qui me disait froidement « allez, allonge-toi sur le dos, écarte les jambes, pense à autre chose et fais-lui croire que t’aime, comme ça il viendra plus vite ». Pourtant je n’avais pas envie, pourtant je ne mouillais pas, pourtant j’essayais de négocier, et il me faisait culpabiliser jusqu’à ce que j’accepte.

 Sur le moment, j’ai tout gardé pour moi, car c’est ce que je sais faire de mieux, personne n’a rien vu, et puis de toute façon c’était pas un viol, avec son copain un viol, ce n’est pas possible !

 J’en ai reparlé plus tard, quand j’ai commencé à me poser des questions, une fois on m’a dit que c’était un « problème de communication », et que dans un couple, au départ tu te « forces toujours un peu », pas de quoi en faire un drame.

 … Non, je refuse…

 J’ai 18 ans, autre relation, même problème, mais en pire. Cette fois-ci T. n’a absolument pas confiance en lui, alors il détruit. Il faut que je sois parfaite, il faut que je change, il faut que je sois belle, plus mince, plus gentille avec lui, accepter tout ce qu’il veut au lit, il veut me rendre plus mature. Il a cinq ans de plus que moi, s’intéresse à moi, alors je me dis qu’il n’a pas tort, même si je me rends compte que ce que je deviens n’est pas du tout moi.

 Devant les autres, il sort son grand jeu d’acteur, mes copines l’adorent et le trouvent trop drôle. Pourtant avec moi, dans mon appartement, dès le début, il me force à coucher avec lui. Si j’ai le malheur de dire non, il me pousse à bout jusqu’à ce que je pleure et que j’accepte. Il me dit ce qu’il aime et ne tarde pas à m’en parler tout le temps pour que j’accepte. Je fais des concessions pour certaines, parce que « c’est ça, un couple, c’est faire des concessions pour son copain », puis il me fait boire pour que « j’apprenne à être plus ouverte ». Je deviens malade, je fais de plus en plus de crise où je me tétanise, je perds la sensation dans mes membres.

 Le temps passe, je me souviens de me sentir mal pendant nos relations, mais je me mens à moi-même en me disant qu’il est super, et que nos relations sexuelles sont parfaites. D’ailleurs c’est ce que je dis à tout le monde, même si au fond de moi je sais que ça ne va pas.

 Un jour, il devient vraiment violent et m’oblige à faire quelque chose que je n’ai jamais voulu faire. Je pleure, je lui dis non, mais il continue, et s’endort cinq minutes après m’avoir lancé un « merci d’avoir accepté, tu deviens une petite salope comme j’aime ». Je ne peux plus rester près de lui, obligée de partir dormir ailleurs que chez moi. Un mois plus tard je le quitte.

 Le consentement est « l’action de donner son accord à une action », cette définition est plutôt simple, alors pourquoi a-t-on autant de mal quand on parle de relation sexuelle ?

 Au cours du temps, et depuis ma première relation, je deviens malade : j’ai perdu de plus en plus la sensation dans tout mon corps, normal il veut se protéger, je ne supporte plus qu’on m’approche trop près, je fais des crises où je me tétanise, où tout mon corps tremble, je commence à « bloquer » et à rester dans mes pensées.

 Après T., je ne peux plus avoir de relations sexuelles sans avoir tellement bu que j’ai du mal à tenir debout.

 J’ai compris qu’il y avait un problème dans mes réactions lors d’une rencontre, dans un autre pays avec la personne la plus digne de confiance que je connaisse. Parce qu’il me rappelait mes ex, je ne pouvais même pas rester assise à côté de lui alors qu’il est la gentillesse même.

 J’ai alors commencé à faire des recherches, sur le viol, sur sa définition, j’ai vu des témoignages, et je me suis reconnue en eux, en Elles plutôt. Personne avant ne m’avait jamais expliqué le consentement, on ne m’avait jamais parlé du viol que comme quelque chose qui se faisait dans la rue, passé minuit, par des types horribles.

 Mais le viol ce n’est pas juste dans une ruelle sombre, on ne « donne pas son accord à une action » en acceptant un chantage, en acceptant que l’autre nous fasse ce qu’il veut sous prétexte qu’il faut faire des efforts, ou sous prétexte qu’on est en couple.

 Si le viol a tellement de visages, le consentement n’en n’a qu’un, et il relève de notre devoir d’expliquer ce que sont ces notions pour que plus jamais on ne réduise le viol aux « trucs que font les types louches dans une ruelle sombre », pour que plus jamais on ne laisse cet acte monstrueux gâcher notre sexualité et notre vie.

 

R.N

Illustration par Manu

Illustration par Manu