Le soir où j’ai découvert les effets de l’alcool sur ma petite personne timide et renfermée a été magique. J’étais enfin capable de parler avec des inconnu-e-s sans avoir peur de rougir ou de bégayer, danser – chose que j’adore – sans avoir peur que les gens me regardent en se moquant, capable de fricoter avec les garçons qui me plaisent… J’ai de bons souvenirs de fêtes rigolotes en pavillons chez les ami-e-s dont les parents s’étaient absentés dans notre ville paumée du 91. Des bons souvenirs d’embrassades joyeuses et plus si affinités MUTUELLES. Et puis j’ai commencé à sortir en club avec mes copines, à prendre le RER pour passer la nuit sur Paris, à faire la fête, la nuit entière car les premiers RER nous permettant de rentrer chez nous partaient aux alentours de 5h du matin. J’ai commencé à rencontrer des tas de nouvelles personnes, des garçons un peu plus vieux, avec une conception de la fête et des aboutissements de la drague un peu différents.

Une nuit, j’étais dans un petit club avec des amies. Vers 3h du matin j’étais très ivre et fatiguée, et je me rends compte que mon manteau a disparu… volé. C’était au mois de février, les premiers RER arrivaient dans plus de deux heures. À ce moment-là je parlais musique (ma grande passion) avec un jeune homme charmant et doux en apparence qui me propose alors de rentrer chez lui pour dormir. Il me propose également de partir le lendemain matin avec une veste appartenant à son ex-copine (que je devrai lui rendre ultérieurement), il avait l’air tellement sincère et bienveillant que je décidai de le suivre (j’étais épuisée). Mes copines ne souhaitaient pas que je parte dans un premier temps mais se sont finalement laissées convaincre comme moi de la bonne foi du garçon. Arrivés chez lui, il met de la musique et me propose de dormir dans le lit pendant que lui dormirait dans le canapé. Il me tend un verre de vodka, je n’étais plus capable de boire alors je refuse poliment et me glisse tout habillée dans son lit. Je tente de dormir. La musique tourne toujours. Il se glisse aussi dans le lit, en caleçon, et commence à me caresser par-dessus mes vêtements. Je ne réagissais pas, la fatigue liée à l’alcool me paralyse littéralement. À ce moment-là je me suis dit “qu’il me fasse ce qu’il veut du moment que je reste habillée, la seule chose dont je suis capable actuellement c’est de fermer les yeux et dormir”. La nuit fut une espèce de combat semi-conscient et amorphe entre lui, qui essayait mollement de passer sa main sous mon collant tout en me caressant doucement pour ne pas avoir l’impression de me faire du mal, et moi, à bout de force et perdue dans les vapeurs d’alcool qui essayais, sans vigueur, de l’en empêcher. Je crois avoir malgré tout réussi à dormir une heure ou deux, et puis je suis partie, en pull et jupe à 6 heures du matin en plein mois de février. Il ronflait encore lorsque j’ai fermé la porte. J’ai raconté cette histoire à des ami-e-s filles et garçons, et certain-e-s m’ont répondu qu’il était incroyablement naïf de ma part d’avoir été choquée par le déroulement des événements  car il est évident qu’une fille –  surtout d’apparence peu farouche (= maquillée, en jupe, ivre) – qui fait le choix de rentrer avec un garçon rencontré en club ne devrait jamais s’attendre à une proposition désintéressée :  “on n’est pas chez les bisounours.”

Ce genre d’épisode s’est malheureusement reproduit, deux fois, avec des AMIS hommes. Toujours la même histoire, épuisée par l’alcool, n’habitant pas à Paris et n’ayant plus la possibilité de rentrer chez moi à partir d’une certaine heure, je demande (car en confiance) à être hébergée pour la nuit. Rebelote, pelotage sous le t-shirt, caresses hypocrites, corps apathique et cette envie de dormir plus forte que tout. Par la suite on m’a de nouveau reproché de trop boire, de trop faire la fête, de m’habiller trop court, ma naïveté. Très bien, je ne me ferai plus avoir, à l’avenir je préférerai payer 40 euros de taxi plutôt que de dormir chez un ami garçon.

Je ne raconterai pas en détail ces autres malheureuses expériences vécues lors de rapports sexuels initialement consentis…situations “banales” pour beaucoup de filles, celle où le garçon tente de vous pénétrer même après que vous lui avez dit que vous ne vouliez pas le faire sans préservatif (“t’inquiète je suis clean”), ce moment où le garçon vous sodomise “par surprise” malgré vos réticences appuyées (“je vais y aller doucement, ne t’inquiète pas”), etc.

Ce moment où le garçon va tenter de “forcer le barrage” avec véhémence ou douceur sournoise malgré les protestations, le recul, le repli, l’inconscience. Mon dieu, nous l’avons pratiquement toutes connu au moins une fois dans notre vie.

 

Enid

 

on-nest-pas-chez-les-bisounours

 

Illustration par Angharad